Une dizaine d'adolescents américains sont accusés de pédophilie. Leur crime? Avoir diffusé des «sextos» (des photos d'eux-mêmes nus) par cellulaire ou internet. Quelques cas ont aussi été signalés au Québec. Ici non plus, les jeunes ne semblent pas se soucier des lois. Attention, danger, préviennent les autorités.

Trois adolescentes de Pennsylvanie âgées de 14 et 15 ans ont envoyé par cellulaire des sextos - des photos à caractère sexuel - à leurs copains. Résultat: elles sont poursuivies pour fabrication, dissémination et possession de pornographie juvénile. Leurs copains, âgés de 16 et 17 ans, sont quant à eux accusés de possession d'images à caractère pédophile.

 

Ce cas n'est pas isolé. L'automne dernier, les médias américains ont fait état d'une histoire similaire, en Ohio. D'après un sondage américain récent, un adolescent sur cinq affirme aussi envoyer des photos sexuelles de sa personne par courriel, par cellulaire ou carrément sur l'internet (voir autre texte).

«C'est sûr qu'on a ce problème-là ici aussi», confirme Francesco Secondi, sergent détective à l'unité des crimes technologiques de la police de Montréal (SPVM). De mémoire, il a vu passer «quelques dossiers depuis 2006». Jusqu'à maintenant, aucune accusation n'a toutefois été portée.

«S'il y a 20% des jeunes qui font ça aux États-Unis, je n'ai pas peur de vous dire qu'incessamment on va avoir la même chose ici.»

Le problème, explique-t-il, c'est que la jeune fille qui offre un «portfolio» à son copain (avec des photos d'elle nue, la nouvelle tendance de l'heure), le jeune homme qui se déshabille devant sa webcam ou se masturbe devant son cellulaire «ne voient pas ça comme un crime. Pourtant, la loi est claire: s'ils s'exposent, c'est un crime.»

En deçà de 16 ans, l'âge légal de consentement (au sens criminel du terme), un adolescent qui expose ainsi des photos ou vidéos pornographiques, même s'il s'agit d'autoportraits, «peut faire face à des accusations de pornographie juvénile», confirme la sergente Mélanie Paul, porte-parole de la Sûreté du Québec. Les plaintes à cet égard sont relativement exceptionnelles, dit-elle. «Mais ça ne veut pas dire que les jeunes ne s'échangent pas de photos.» À preuve: comme il ne s'agit ici ni de pédophilie ni de cyberintimidation traditionnelle, ces auto-expositions compliquent la tâche des cyberpatrouilleurs: «Notre but, c'est de prévenir ça, ce type d'images-là. Comme les gens le font d'eux-mêmes, ça complique notre travail.»

«Ce que les jeunes ne comprennent pas, c'est que, sans le savoir, ils s'exposent à des accusations d'actes criminels. Pour eux, ce qu'ils font n'est pas grave, reprend le sergent Francesco Secondi. Ils sont très à l'aise dans leur chambre, leur salon ou leur sous-sol, à clavarder et à s'envoyer des photos. Ils pensent qu'il n'y a pas de danger parce qu'ils sont loin et à la maison. Mais ce n'est pas vrai. Des photos nues à moins de 16 ans, c'est un crime.»

Actuellement, il n'y a pas de statistiques sur le phénomène au Québec. Mais une enquête s'impose, croit Shaheen Shariff, chercheuse à la faculté d'éducation de l'Université McGill, spécialisée en cyberintimidation. «Pourquoi certains ados font-ils ça? Pour attirer l'attention? Je ne sais pas. Mais il faut regarder cela de plus près, dit-elle. Est-ce qu'ils trouvent ça drôle, voient ça comme de la drague, un genre de préliminaires, est-ce qu'ils ont les hormones en feu?»

Les temps ont changé depuis notre adolescence à nous, fait-elle valoir. Les lois devraient aussi être actualisées en conséquence. «Nous, on draguait face à face. Internet, c'est le moyen d'expression des jeunes. C'est leur moyen de communication. Les adultes n'ont pas les mêmes références. C'est comme si toutes nos lois avaient été écrites pour une autre époque.»