Les Européens devront-ils à l'avenir payer à chaque fois qu'ils reçoivent un appel sur leur téléphone portable, même dans leur pays? La Commission européenne s'est dit lundi prête à laisser le champ libre aux opérateurs.

«Pourquoi pas? Le marché se développe, on ne devrait pas en rester aux règles qui ont été en place pendant dix ans», a répondu Viviane Reding, commissaire européenne chargée des télécommunications, à une question en ce sens du Financial Times publié lundi. Mais «c'est aux opérateurs de décider», a-t-elle ajouté.

«Si les opérateurs pensent que c'est attractif pour leurs clients, s'ils ont quelque chose d'autre pour convaincre les consommateurs que cela pourrait être intéressant pour eux, nous ne dirons rien contre», a précisé le porte-parole de la commissaire, Martin Selmayr. «Nous ne forcerons pas non plus les entreprises à aller dans ce sens».

La tarification des appels reçus, selon le système dit du «bill-and-keep», est la norme aux États-Unis ou dans certains pays d'Asie.Les Européens la connaissent seulement pour le «roaming», ou itinérance, quand ils utilisent leur téléphone portable à l'étranger. Recevoir un appel dans leur propre pays en revanche ne leur coûte rien aujourd'hui. Du moins en apparence.

Au lieu de facturer son client, l'opérateur de la personne appelée demande à celui du client qui appelle, quand leurs réseaux sont différents, de lui verser des «frais de terminaison d'appel».

Ces frais, censés couvrir le coût d'utilisation du réseau, sont finalement répercutés dans le prix des appels passés par les consommateurs.

Après les tarifs de roaming, plafonnés l'année dernière en attendant des mesures similaires pour les SMS voire l'internet mobile, la Commission, persuadée de faire baisser les prix, veut s'attaquer aux frais de terminaison.

Viviane Reding doit lancer d'ici fin juin une consultation publique sur une proposition visant à harmoniser le mode de calcul de ces frais et à «faire converger les frais de terminaison mobile avec ceux du fixe», aujourd'hui moins élevés, selon son porte-parole.

«Ce que nous aimerions faire, c'est de nous débarrasser des frais de terminaison très élevés et inégaux en Europe, qui à la fin doivent être payés par les consommateurs», a-t-il expliqué.

Selon la Commission, ces frais variaient en octobre entre 2,06 centimes d'euro par minute à Chypre et 18,82 centimes en Bulgarie, avec une moyenne européenne à 9,67 centimes.

L'idée consiste à «abaisser les tarifs de terminaison à un niveau qui rendrait intéressant pour les opérateurs un passage à long terme à un système moins bureaucratique de "bill-and-keep"», selon Martin Selmayr.

Les intéressés restaient prudents lundi.

«Le principe en Europe, c'est que les consommateurs ne payent pas» pour recevoir des appels, «c'est bien compris et accepté», a ainsi relevé David Pringle, porte-parole de la GSM Association qui réunit plus de 750 opérateurs de téléphonie mobile dans le monde.

«Le marché change rapidement», a-t-il noté, n'excluant pas que «des opérateurs individuels» choisissent de changer de système. Mais «je serais surpris qu'un opérateur dise cela maintenant».

Il a souligné que les tarifs de terminaison aujourd'hui offrent «une prime» lors des appels vers un téléphone portable. «Si cette prime n'existe plus, les opérateurs ont besoin d'un moyen de récupérer ce coût».

Mais le porte-parole de la Commission le reconnaît lui-même: «nous ne croyons pas que les consommateurs en Europe vont être très enthousiastes».