Quand ils veulent rejoindre les consommateurs, particulièrement les jeunes hommes, les agences de publicité se tournent de moins en moins vers la télévision. La nouvelle cible : les jeux vidéo.

Quand ils veulent rejoindre les consommateurs, particulièrement les jeunes hommes, les agences de publicité se tournent de moins en moins vers la télévision. La nouvelle cible : les jeux vidéo.

Une étude récente menée aux États-Unis par Mediaedge:cia révèle que 150 millions d'Américains, soit plus de 60% de la population, jouent à des jeux vidéo.

Par contre, la publicité dans les jeux demeure un petit marché. Selon le Yankee Group, elle devait représenter en 2005 une somme de 185 millions de dollars US, pour toutefois atteindre le milliard en 2009.

«Le placement publicitaire dans les jeux vidéo est assez récent, confirme Sylvain Sénécal, professeur adjoint en marketing aux HEC. Ce que j'ai vu de plus vieux dans le domaine date de 2003. Mais d'ici les cinq prochaines années ça semble vouloir prendre beaucoup d'ampleur.»

Ceux qui ont récemment joué à des jeux auront peut-être remarqué la stratégie: tantôt un personnage conduit un Jeep, plus tard un autre se sert d'un produit sans fil signé Cingular.

Chez Ubisoft, où on conçoit des jeux vidéo, on a vu naître la tendance. «Tout le monde réalise que l'industrie du jeu vidéo est en pleine croissance et qu'il y a tout à faire au niveau publicité. Ça commence à prendre de plus en plus d'ampleur», dit Cédric Orvoine, porte-parole de la compagnie.

Ubisoft refuse toutefois de chiffrer les revenus qu'il tire de la publicité dans les jeux vidéo, se contentant de dire que ce n'est «pas assez significatif» pour que la compagnie puisse «s'en vanter».

Un groupe qui délaisse la télévision

Si les annonceurs commencent à s'intéresser davantage au placement de produits dans les jeux vidéo, c'est que la télévision répond moins à leurs besoins quand vient le temps de joindre les jeunes hommes.

«Les publicitaires reconnaissent que les hommes âgés de 18 à 34 ans regardent de moins en moins de télé, surtout pendant les heures de grande écoute, dit Jason Anderson, chef du marketing chez Xbox Canada. Que font-ils à la place? Ils jouent à des jeux vidéo.»

Sylvain Sénécal croit que le publicitaire qui veut rejoindre ce public aura sans doute plus de succès avec un placement de produit dans un jeu vidéo plutôt qu'à la télé.

«À la télévision, vous allez payer cher pour avoir une publicité à heure de grande écoute, pendant Star Académie, par exemple. Mais ce n'est pas de l'argent bien investi. On peut utiliser le même montant dans un jeu vidéo et peut-être rejoindre ce public plus facilement», dit le professeur aux HEC.

Pour les multinationales, le marché est intéressant. «Le marché est aussi grand que le nombre de consoles en circulation, dit Jason Anderson, de Xbox. Il y a environ 150 millions de consoles de deuxième génération en circulation. C'est assez significatif. C'est un univers important.»

Un marché limité

Si les joueurs sont nombreux, les limites de la publicité dans les jeux vidéo ne peuvent pas être ignorées. Ainsi, les annonceurs dont le marché est limité à un pays, par exemple, n'ont pas d'intérêt à faire du placement de produit pour des jeux qui seront vendus partout dans le monde.

«Il serait insensé pour l'entreprise québécoise de faire du placement de produit dans un jeu, dit Cédric Orvoine, d'Ubisoft. Le marché du jeu vidéo au Québec n'est pas un marché qui est immense. Il est immense si on le prend d'un point de vue global.»

Chez Microsoft, on affirme toutefois avoir bâti une console qui pourrait éventuellement intéresser les annonceurs canadiens.

«Nous gérons le service Xbox Live [ndlr: qui permet aux joueurs de se connecter à l'Internet], dit Jason Anderson. Nous avons donc la possibilité de travailler avec des publicitaires et de développer des modèles publicitaires. D'où l'importance d'une plate-forme flexible, pour répondre aux besoins des annonceurs.»

Mais, précise Sylvain Sénécal, si on risque de voir la publicité dans les jeux vidéo prendre de plus en plus de place au cours des années à venir, elle ne devrait pas devenir envahissante.

«Je ne pense pas que la mission première d'une compagnie qui fabrique des consoles ou qui conçoit des jeux soit d'aller chercher des publicitaires, dit le professeur en marketing. Par contre, si je développe un jeu qui cible un marché féminin, je vais aller cogner à des portes et demander aux compagnies si elles veulent faire du placement. Par l'occasion même, je vais diminuer mes coûts de développement.»

Un avis partagé par Ubisoft. «Notre travail n'est pas d'être un médium publicitaire, dit Cédric Orvoine. Notre travail c'est de faire des jeux distrayants pour les joueurs. Notre business c'est ça.»