Comment se sent-on en se promenant sur la planète Mars ? Il est encore impossible de le savoir. Mais une responsable de programme de Google a voulu en donner une idée en récoltant des images de l'île Devon, au Canada. Plus grande île inhabitée au monde, l'endroit est géologiquement si similaire à Mars qu'il est utilisé comme base d'entraînement pour les futures missions vers la planète rouge. Et on peut désormais s'y promener virtuellement pour la première fois.

Un désert du bout du monde

L'île Devon, perdue entre la mer de Baffin et l'océan Arctique, est située à 75 degrés de latitude nord. Population : zéro. Ce désert polaire compte un cratère de 23 km de diamètre formé par un météorite qui s'y est fracassé il y a 39 millions d'années, des canyons, des montagnes et des cailloux. « C'est un endroit unique, vraiment désolé. C'est froid, venteux, et il n'y a presque pas de végétation », décrit Katja Minitsenka, l'une des rares personnes à avoir visité l'île. Mme Minitsenka a passé une semaine sur place, l'été dernier, afin de mener une curieuse mission. Coiffée d'un casque muni d'une caméra, elle a arpenté l'île afin d'en capter des images pour les inclure dans Google Street View, ce service de navigation de Google qui permet généralement de s'amuser à regarder sa propre maison ou de vérifier l'allure d'un hôtel avant d'y réserver une chambre. « La météo n'a pas toujours collaboré et je n'ai pas pu me rendre partout, mais on pourra suivre mon parcours », explique Mme Minitsenka à La Presse. Les images sont en ligne à partir d'aujourd'hui. « Il n'y a pas de rues sur l'île Devon, mais il y a maintenant Street View », lance-t-elle.

Mars sur Terre

L'idée de montrer un endroit où il n'y a pratiquement rien outre quelques ours polaires égarés peut sembler étrange. À cette remarque, Katja Minitsenka répond par des arguments scientifiques. C'est que l'île Devon et en particulier le cratère Haughton qui s'y trouve sont les endroits sur Terre qui ressemblent le plus à Mars. L'affaire n'a pas échappé aux chercheurs. Depuis 1997, des équipes provenant du Mars Institute, de la NASA et de l'Institut SETI (un organisme voué à la recherche de vie extraterrestre) passent une partie de l'été dans cet environnement difficile et isolé afin de tester autant des véhicules et des robots que des stratégies de survie. « Tout ce qui fait que l'île Devon est inhabitable la rend intéressante du point de vue scientifique », explique Katja Minitsenka, une passionnée d'exploration spatiale qui a profité de la « règle du 20 % » permettant aux employés de Google de passer un cinquième de leur temps de travail sur des projets personnels pour mener à bien son aventure sur l'île Devon. Notons que l'endroit ressemble tellement à Mars qu'en 2015, des théories du complot avaient circulé, selon lesquelles les images de Mars relayées par le rover Curiosity de la NASA provenaient en fait d'un « studio » installé sur l'île Devon.

Déclencher des passions

Katja Minitsenka espère que le fait que ce lieu unique soit maintenant accessible à quiconque ayant une connexion internet sous la main stimulera l'imaginaire de ceux qui le visiteront virtuellement, en particulier les jeunes. « Je pense qu'il est important de partager un tel lieu. Si un seul enfant décide de devenir ingénieur, géologue ou astronaute après avoir fait un tour virtuel de l'île Devon, j'aurai atteint mon objectif », dit la responsable de programme de Google. Le dévoilement des images de Google Street View est aussi accompagné d'un documentaire d'une dizaine de minutes décrivant le travail de Katja Minitsenka et ceux des scientifiques qui travaillent sur l'île Devon.