Les juristes américains estiment urgent que la Cour suprême définisse les contours de la liberté d'expression des étudiants sur internet, après que deux cours d'appel du même État ont rendu le même jour deux arrêts contradictoires dans deux affaires comparables.

Dans le premier cas, Justin Layshock, un étudiant de Pennsylvanie avait élaboré en 2005 une page sur le site de socialisation MySpace où il attribuait à son proviseur des saillies du genre: «je suis trop bourré pour me souvenir de ma date de naissance» ou «je suis accro aux stéroïdes».Le jeune homme avait alors été renvoyé de son école pour quelques jours. Mais la sanction avait provoqué l'ire de ses parents qui avaient porté plainte. Ils estimaient que la liberté d'expression de leur fils avait été bafouée. La justice leur avait donné raison en première instance. L'école avait interjeté appel.

L'arrêt rendu jeudi par une cour d'appel de Pennsylvanie est limpide: Justin Layshock n'a fait qu'exercer son droit à libre expression, garanti par le Premier amendement de la Constitution américaine, puisqu'il avait confectionné la page internet dans son temps libre chez sa grand mère, et non dans l'enceinte de l'école.

Coïncidence du calendrier, le même jour, une autre cour d'appel du même État a rendu un arrêt qui concerne exactement le même genre d'affaire. Sur le même site MySpace, «J.S.», une mineure, avait qualifié son directeur de «pédophile», ou de «pédale», entre autres amabilités.

La jeune fille avait été mise à pied. Et là aussi, les parents avaient porté plainte, mais perdu. Et, surprise, le jugement a été confirmé en appel, jeudi.

Les juges estiment que le lycée n'a pas bafoué le droit de «J.S.» à la libre expression en la punissant.

Deux cas identiques, deux interprétations différents du droit dans le même État?

Consulté par l'AFP, Robert Richards, professeur de droit à Penn State, l'université de l'Etat de Pennsylvanie, estime que la raison est assez prosaïque: «La loi est très à la traîne» en matière de nouvelles technologies, et donc à géométrie variable dès lors que la liberté d'expression s'invite dans le débat.

«La balle est maintenant dans le camp de la Cour suprême», complète Anthony Sanchez, l'avocat de l'école de Justin Layshock, lors d'un entretien accordé à l'AFP.

Selon lui, seule la plus haute juridiction américaine, gardienne de la Constitution, doit enfin dire où s'arrête la liberté d'expression des élèves sur internet, et où commence la diffamation.

Et même si aucune des parties ne peut encore saisir les neuf juges de la Cour suprême, les esprits s'aiguisent déjà.

Ce que Witold Walczak, avocat à l'ACLU, une organisation de défense des libertés civiles, veut à tout prix éviter, c'est que «les directeurs puissent s'inviter à dîner chez leurs élèves». Autrement dit: que le long bras de l'autorité scolaire dicte aux adolescents américains ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas écrire dans leur chambre, devant leur écran d'ordinateur.

«Tant que la Cour suprême n'aura pas pris de décision en la matière, nous allons nous retrouver avec une foule de jugements totalement incohérents», à l'image des deux arrêts rendus jeudi en Pennsylvanie, conclut Robert Richards de l'univserité Penn State.