L'accès à une connexion internet haute vitesse est considéré depuis quelques mois comme un droit fondamental en Finlande, où le gouvernement s'est engagé à rendre le service accessible à toute la population au plus tard en juillet.

«Nous avons depuis longtemps commencé à instaurer la société de l'information et les e-services, en particulier dans le secteur public. Or, il faut que tout le monde y ait accès. Dans notre pays, l'égalité est une valeur très, très importante», a expliqué hier à La Presse la ministre finlandaise des Communications, Suvi Linden, lors d'un entretien téléphonique.

 

L'objectif, dit-elle, est de s'assurer, dans un premier temps, que les 5 millions d'habitants du pays aient accès, chez eux et à prix raisonnable, à une connexion d'une vitesse minimale de 1 mégaoctet à la seconde (Mo/s).

Des fournisseurs d'accès choisis doivent fournir le service, désormais considéré comme «universel». Un citoyen se jugeant lésé pourra porter plainte auprès de l'organisme de régulation des télécommunications du pays, qui se chargera de faire le suivi auprès de l'entreprise responsable du territoire où il habite.

Pour 2015, la Finlande vise encore plus haut en généralisant l'accès à la connexion très haute vitesse, supérieure à 100 Mo/s. Un plan de financement de 300 millions de dollars, soutenu à la fois par l'État, les municipalités et le secteur privé, est en place.

Seuls 2000 foyers, situés dans des régions particulièrement reculées, seront exclus du programme.

«La demande pour une connexion de qualité est devenue si forte politiquement qu'il sera pratiquement impossible, pour un futur gouvernement, de revenir sur cet engagement», souligne Mme Linden.

L'approche de la Finlande trouve écho en Espagne, où le gouvernement vient d'adopter une cible similaire pour 2011. Le ministère de l'Industrie, du Tourisme et du Commerce a précisé en novembre que tous les citoyens devraient alors pouvoir s'abonner à un «service universel» de 1 Mo/s.

Le Parlement européen a confirmé l'importance de l'accès internet l'année dernière en adoptant un «paquet de réformes des télécommunications» qui balise étroitement toute rupture de service dans ce domaine.

Les élus avaient voté dans un premier temps un amendement présenté par des eurodéputés français précisant qu'aucune restriction «ne peut être imposée aux droits fondamentaux et aux libertés des utilisateurs» du web sans décision des autorités judiciaires.

À l'issue d'une longue bataille, les élus ont finalement opté pour une formule qui impose une «procédure préalable juste et impartiale» avant toute interruption de service.

Contre les pirates

Le débat faisait suite à la volonté du gouvernement français d'imposer des sanctions aux auteurs de piratage. La loi Hadopi 2, qui doit commencer à être appliquée au printemps, prévoit une «riposte graduelle» contre les pirates pouvant culminer par la rupture du service.

Au coeur de la polémique, l'ex-ministre de la Culture, Christine Albanel, a déclaré que l'accès à l'internet ne pouvait «être considéré comme un droit fondamental».

Jérémie Zimmermann, qui chapeaute un site français voué à la défense des droits et libertés des usagers de l'internet, estime que les tribunaux français ont renforcé par leurs interventions dans ce dossier l'idée que l'accès au web est nécessaire à l'exercice de la liberté d'expression. «L'internet est la condition d'exercice de cette liberté fondamentale», dit-il.

«Politiquement, aucun autre gouvernement ne va essayer de faire un truc aussi violent que de déconnecter quelqu'un. Ça revient à couper les mains de gens dont on présume qu'ils sont des voleurs», dit-il.

La Finlande n'échappe pas au problème du piratage et planche actuellement sur des mesures visant à l'endiguer, sans pour autant aller aussi loin que la France.

«Nous étudions aussi la possibilité d'envoyer des messages d'avertissement aux contrevenants. Mais il n'est pas question d'enlever l'accès à l'internet. Nous favorisons une approche éducative», conclut la ministre Linden.

 

Et le Québec?

Selon une étude diffusée par le Centre francophone d'information des organisations, 73% des foyers québécois ont l'internet, dont la grande majorité à haute vitesse. Le gouvernement a annoncé l'année dernière le lancement d'un programme pour les régions rurales qui vise à assurer la couverture de 95% du territoire d'ici à 2015.