La querelle en cours entre Google et la Chine menace le développement de l'internet dans ce pays, si elle devait se solder par un retrait du marché du géant américain, estiment des experts au moment où les deux parties tentent de trouver un compromis.

Mais Google aurait également beaucoup à perdre s'il partait de Chine, qui compte la plus importante population d'internautes au monde, comme il a menacé de le faire en dénonçant le 12 janvier les attaques informatiques venues de ce pays et la censure imposée localement.

Or à l'heure actuelle, le compromis entre la firme et Pékin semble difficile à trouver.

«Si Google décide de partir, cela va avoir des conséquences considérables sur le marché des moteurs de recherche», aujourd'hui dominé par le chinois Baidu, qui détient 58,4% des parts de marché contre 35,6% pour Google, souligne Li Zhi, d'Analysys International.

«La compétition est essentielle à un développement sain d'un marché», dit Li.

Effectivement, «s'il n'y a plus qu'un acteur dominant dans ce secteur, les victimes seront le consommateur chinois et l'innovation», estime Ted Dean, directeur de la société de consultants BDA, spécialisée télécoms et technologies.

Google qui a dit envisager la fermeture de Google.cn, sa version en mandarin, a aussi indiqué qu'il n'était plus disposé à accepter la censure chinoise, au grand dam des autorités, pour lesquelles les étrangers doivent «respecter les lois chinoises».

L'affaire a pris un tour diplomatique avec l'intervention du gouvernement américain et des discussions bilatérales de haut niveau.

Hillary Clinton: «échange très positif» avec Pékin

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a ainsi affirmé jeudi à Londres avoir eu «un échange très positif» avec son homologue chinois Yang Jiechi à propos du conflit entre le moteur de recherche et les autorités chinoises.

«Il va falloir qu'ils trouvent une sorte de compromis», juge Francis Cheung, analyste de Credit Lyonnais Securities Asia à Hong Kong.

«L'internet chinois a un énorme potentiel et Google peut y avoir une bonne performance avec ses technologies de pointe: il est assez populaire et gagne des parts de marché», ajoute-t-il.

Sauf que même si «Google ne veut pas partir, il veut rester à ses propres conditions». Or «je ne pense pas qu'un gouvernement négociera sur des lois, surtout avec une compagnie», souligne Francis Cheung.

Lu Bowang, partenaire de China IntelliConsulting Corp, envisage alors que Google abandonne bel et bien google.cn mais maintienne une présence, avec un institut de recherche et les téléphones portables utilisant son système d'exploitation Androïd.

«Le gouvernement chinois sauverait la face. Tout le monde penserait que Google part pour des raisons commerciales», dit Lu.

Qu'il parte ou qu'il reste, Google se prépare des jours difficiles en Chine, affirme de son côté Shaun Rein, directeur de China Market Research à Shanghai.

Si Google.cn est fermé, «ils peuvent conserver la recherche et le développement en Chine mais le gouvernement chinosi ne va pas leur faciliter la tâche et quel ingénieur de premier plan va vouloir travailler pour eux?» demande Shaun Rein.

«S'ils conservent le moteur de recherche en Chine, bon nombre de compagnies ne voudront pas lancer de campagnes avec eux de peur qu'ils ne menacent une nouvelle fois de partir».

Mais Ted Dean estime qu'il est trop tôt pour rayer Google de la carte chinoise: «La partie est toujours en train de se dérouler».

Google pour sa part se refuse à tout commentaire sur ses projets en Chine.