Si le pirate informatique moyen est encore un adolescent facétieux ou un escroc, les auteurs contemporains d'attaques sur internet sont aussi, de plus en plus souvent, soutenus par un Etat ou mûs par des raisons politiques, soulignent les experts.

Les récentes attaques informatiques massives contre Google et d'autres sociétés, attribuées à des «hackers» basés en Chine, ont soulevé de nouvelles interrogations quant au rôle des gouvernements dans ce type de méfait.

Google a menacé mardi de se retirer de Chine après cette attaque «très sophistiquée» ciblant des militants chinois des droits de l'Homme. Le géant de l'internet a dit détenir «la preuve que le but premier des assaillants était d'accéder aux comptes internets Gmail» de ces activistes.

«Typiquement, le criminel informatique essaye de violer la propriété intellectuelle, de dérober des informations financières ou de l'argent. Cela ne semble pas être le cas cette fois-ci», estime Paul Craig, consultant à la firme néo-zélandaise Security-Assessment.com.

Selon lui, «cela soulève la possibilité d'une attaque orchestrée par un gouvernement contre des individus».

Des «hackers» chinois aux motivations patriotiques s'étaient déjà fait connaître dans le passé en attaquant le site internet du sanctuaire shintoïste Yasukuni à Tokyo, où sont honorés des criminels de guerre japonais.

Google n'a pas accusé ouvertement le gouvernement chinois d'être derrière les attaques dont il a été victime. «Il est toujours difficile de prouver qu'un événement soit relié à un piratage orchestré par l'Etat», explique sur son blog Chester Wisniewski, conseiller à la firme de sécurité informatique Sophos.

Mais «Google estime clairement qu'il dispose de preuves très fortes que c'est le cas, car sinon il ne rendrait pas publique ce type d'attaque», a-t-il ajouté.

D'autres experts pensent cependant que l'attaque contre Google pourrait en fait être dénuée de véritables motivations politiques.

«En général, les usagers d'internet en Chine sont de jeunes gens. Beaucoup sont des adolescents. Ils peuvent organiser des attaques, mais le plus souvent pour des raisons puériles», assure Masaki Ishiguro, de l'Institut de recherche Mitsubishi.

«La politique, ou des questions de liberté d'expression, peuvent très bien ne constituer qu'un prétexte pour de jeunes assaillants», a-t-il spéculé.

Une chose est sûre: les cyber-attaques deviennent de plus en plus sophistiquées. En juillet aux Etats-Unis, les sites internet de la Maison Blanche, du département d'Etat et du Pentagone avaient été visés par des attaques coordonnées qui avaient également affecté des sites en Corée du Sud.

Séoul avait alors montré du doigt la Corée du Nord.

«Les cyber-attaques se font désormais à grande échelle et sont de plus en plus minutieusement organisées», affirme Judy Wu, chercheuse au cabinet de consultants IDC Asia Pacific à Hong Kong.

Selon elle, «beaucoup de cyber-attaques sont certainement soutenues par des Etats», et visent désormais aussi bien les grandes entreprises des pays rivaux que leurs institutions publiques ou leurs forces armées.

La compagnie de sécurité technologique McAfee a également noté, dans un rapport sur la criminalité virtuelle en 2009, que beaucoup d'actes de piraterie informatique et d'infiltration de réseaux semblaient avoir pour origine des Etats et avoir des buts politiques.

«Nous n'avons pas encore assisté à une guerre informatique ouverte entre grandes puissances, mais les efforts des Etats pour se doter de capacités d'attaque cybernétique de plus en plus sophistiquées, et dans certains cas leur volonté avérée de les utiliser, suggère qu'une "cyber-guerre froide" a peut-être déjà commencé», avertit le document.