Sur Hulu, un site internet mis sur pied par les grandes chaînes de télévision américaines, on peut regarder une douzaine d'épisodes de la série Heroes; 28 épisodes de Desperate Housewives, 92 de Lost. Et la plupart des épisodes de Miami Vice, The A Team, The Bionic Woman et Remington Steel, entre autres séries cultes.

Mais au Canada, un tel coffre aux trésors télévisuels reste un rêve. Tout comme plusieurs services internets culturels, Hulu est inaccessible pour les Canadiens: seuls les Américains y ont droit. Idem pour Pandora, l'une des applications les plus populaires de l'iPhone d'Apple, qui propose des chansons similaires aux disques préférés de l'auditeur et permet de créer sa propre station de radio. Le site de webdiffusion de musique Spotify est quant à lui restreint à la Suède, la Norvège, la Finlande, le Royaume-Uni, la France et l'Espagne.

«Nous sommes encore une compagnie en démarrage», explique Tim Westergren, le fondateur de Pandora, en entrevue depuis la Californie. «C'est assez difficile pour nous de naviguer parmi les multiples acteurs qui gèrent les droits musicaux. Tout le monde veut sa part du gâteau et le total des demandes excède ce que l'internet peut offrir en ce moment. Il faut amener tout le monde à la même table et leur faire comprendre cette réalité. On l'a fait pour les États-Unis, mais c'est à refaire dans chaque pays. Il faut comprendre la culture nationale de droits musicaux, le style de chaque organisme qui a son mot à dire. Au Canada, vous avez l'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique et la Société canadienne de gestion des droits voisins. Nous commençons à peine à démêler l'écheveau chez vous.»

Barrières virtuelles

Ces barrières virtuelles font des Canadiens des «paysans numériques», relevait récemment MSN.ca. Le Canada a dû attendre un an de plus que les États-Unis pour le iPhone, et deux ans pour le lecteur numérique de livres Kindle d'Amazon.

Chez Spotify, le responsable des relations avec les médias, Andres Sehr, a affirmé que Spotify devrait être disponible en même temps aux États-Unis et au Canada «au début de 2010», un an et demi après le lancement en Europe. «Nous sommes présentement en pourparlers avec les compagnies de disques», explique M. Sehr depuis Stockholm.

Signe que le dossier des droits est délicat, Hulu n'a pas voulu faire de commentaire sur la disponibilité au Canada. Au printemps 2008, peu après son lancement aux États-Unis, Hulu avait suscité beaucoup d'espoir en modifiant sa page indiquant aux non-Américains qu'ils n'avaient pas accès aux émissions de Hulu: les internautes étrangers étaient invités à donner leur adresse de courriel pour être avertis quand le service serait disponible. Mais depuis, plus rien.

Le marché donne heureusement certains signes de maturité. Cet été, Bloomberg avait rapporté que les taux de Hulu dépassaient ceux de la télévision pour certaines émissions, parce qu'il s'agissait de visionnements plus attentifs au contenu des émissions. Les tarifs des Simpson étaient par exemple de 60$ pour 1000 téléspectateurs sur Hulu et de 20$ à 40$ sur la télé.

«Une fois que les modèles d'affaires seront établis, le Canada deviendra un marché intéressant, parce qu'il est similaire à celui des États-Unis», observe Michael Geist, professeur de droit spécialiste de l'internet à l'Université d'Ottawa.

Cet automne, Rogers a tenté de créer une version canadienne de Hulu en offrant des émissions sur son site internet. Mais l'offre est beaucoup plus restreinte et le service est limité aux abonnés du câble de Rogers.