Les fournisseurs de services Internet devront dénoncer leurs clients qui font circuler de la pornographie infantile sur le Web à la police, si le nouveau projet de loi sur la cybercriminalité proposé par le gouvernement conservateur est adopté.

Dévoilée à Ottawa mardi, la nouvelle législation obligerait les individus et les entreprises à signaler l'endroit où se trouve de la pornographie juvénile et à conserver la preuve pour faciliter l'enquête éventuelle.

Les principaux fournisseurs Internet du pays, comme Bell, Vidéotron ou Rogers, assurent qu'ils collaboraient déjà avec les autorités lorsqu'on avait besoin de leur aide pour traquer les pédophiles sur Internet. Le projet de loi, qui vise également les plus petites compagnies et les individus, les forcera à le faire, sous peine d'amendes, voire de prison.

Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, espère ainsi contribuer à protéger les jeunes victimes.

«Un régime de divulgation obligatoire à travers le Canada améliorera la capacité des forces de l'ordre de déceler des infractions potentielles de pornographie infantile, aidera à réduire la disponibilité de pornographie en ligne, facilitera le secours des victimes et aidera à identifier ainsi qu'à appréhender les contrevenants», a-t-il fait valoir en point de presse à Ottawa.

Les compagnies Internet n'auront pas cependant à exercer de contrôle proactif, a souligné le ministre des Travaux publics, Christian Paradis, qui participait aussi à l'annonce. Ainsi, si des activités de pornographie se déroulent sur leur réseau à leur insu, elles ne pourront en être tenues responsables.

«Les fournisseurs n'auront pas à faire du monitoring, mais dès qu'il y aura un renseignement qui sera transmis, ils devront le transmettre à l'organisme désigné», a-t-il expliqué. L'organisme ou le centre qui sera le point de chute de ces renseignements n'a pas encore été déterminé.

Le projet de loi prévoit des amendes de 1000 $ à 10 000 $ et une sentence de six mois de prison pour les individus qui n'effectueront pas le signalement, ainsi que des amendes de 10 000 $ à 100 000 $ pour les sociétés qui seraient coupables de cette nouvelle offense.

Selon le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, Jean-Guy Dagenais, la pornographie juvénile est un «fléau de plus en plus constant».

«Nous applaudissons cette initiative, ce projet de loi qui va nous donner un outil supplémentaire pour mettre fin à cette pornographie juvénile», a-t-il souligné.

C'est également l'avis de la directrice générale du Centre canadien de protection de l'enfance, Lianna McDonald. Un rapport dévoilé par son organisme plus tôt ce mois-ci a recensé près de 16 000 incidents pornographiques impliquant des enfants sur Internet, dont plus de 82 pour cent de ces images mettaient en scène des enfants «très jeunes», prépubères. Elle soutient que le problème se situe souvent au niveau des fournisseurs de contenu sur Internet plutôt que chez les grands réseaux de service.

«Ce qui est important avec cette nouvelle législation, c'est qu'elle va plus loin que le fournisseur typique et traditionnel, et elle obligera désormais ceux impliqués dans l'hébergement de contenu à le divulguer», a-t-elle noté.

Le directeur des communications corporatives chez Vidéotron, Marc Labelle, salue l'initiative du ministre.

«On ne tombe pas sur du matériel de pornographie juvénile quand on opère un réseau (...). Ce sont des sites qui sont hébergés souvent dans des petites entreprises, dans des sous-entreprises, parfois des fonds de garde-robe», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique.

Les trois partis d'opposition aux Communes ont accueilli favorablement le projet de loi, même s'ils ne le jugent pas nécessairement parfait. Le porte-parole néo-démocrate en matière de justice, Joe Comartin, aurait par exemple aimé qu'il incombe davantage aux fournisseurs Internet d'enquêter sur leurs clients, tout en disposant de plus de moyens pour le faire.

Le libéral Dominic LeBlanc a souligné pour sa part que ce projet de loi, à qui il attribue du mérite, aurait très bien pu être intégré à une législation précédente contre la pornographie juvénile plus globale.