Le monde des médias s'interroge au sujet de la stratégie du magnat Rupert Murdoch sur internet, après ses attaques contre Google qu'il a accusé de piller les informations diffusées par son empire de communication News Corporation.

Le patriarche australo-américain s'en est pris la semaine dernière au poids lourd d'internet en menaçant de bloquer l'accès de ses contenus aux moteurs de recherche, dont le service Google News qui indexe les sites d'information.«(Ce sont) des gens qui se contentent de prendre tout ce qui les intéresse, de voler nos informations -- nous affirmons qu'ils volent nos informations car ils se servent sans payer», a déclaré M. Murdoch, 78 ans.

Le groupe News Corporation a aussi annoncé qu'il comptait désormais faire payer la lecture des éditions internet de ses journaux, parmi lesquels le tabloïd New York Post aux États-Unis ainsi que le Times et le Sun en Grande-Bretagne. Cette mesure est déjà appliquée au Wall Street Journal.

Ce branle-bas de combat est observé de près, alors que le secteur de la presse, sinistré, cherche désespérément à trouver un modèle rentable.

«Quand on parle de Rupert Murdoch, deux choses entrent en ligne de compte», explique Dan Kennedy, professeur de journalisme à l'université Northeastern (Massachusetts).

«Une éventualité, que je ne mettrais pas de côté étant donné ses réussites passées, est qu'il a deux ou trois coups d'avance sur quelque chose que personne n'a encore compris», dit M. Kennedy à l'AFP.

«Mais l'autre possibilité est qu'il ne comprend vraiment pas (internet), qu'il fait une erreur colossale et qu'il ne s'en rend pas encore compte», remarque l'universitaire.

«Son incursion la plus importante en ligne jusqu'ici a été MySpace. Il l'a surpayé et a choisi le pire moment pour l'acquérir», remarque M. Kennedy à propos de ce site de socialisation acheté en 2005 et aujourd'hui à la peine.

L'idée de bloquer l'accès des contenus à Google «ne me paraît pas excellente au premier abord», renchérit Rick Edmonds, expert du Poynter Institute, une école de journalisme de Floride, en soulignant que la doctrine de M. Murdoch pourrait s'adoucir à l'épreuve des faits.

«On sait qu'il fait parfois des déclarations et que le résultat est un peu différent une fois qu'il a consulté ses dirigeants sur le terrain», explique-t-il.

Google a de son côté réagi avec calme aux rodomontades du magnat, rappelant que les médias conservaient la maîtrise des contenus qu'ils acceptaient de placer sur Google News.

«Les éditeurs mettent leur contenu sur le web parce qu'ils veulent qu'on le trouve, aussi très peu d'entre eux choisissent de ne pas inclure leur matériel dans Google News et les recherches internet. Mais s'ils nous disent de ne pas l'inclure, nous ne le faisons pas», a ajouté l'entreprise.

Pour Michael Wolff, auteur d'une biographie de M. Murdoch, ses déclarations récentes constituent la dernière manifestation en date de sa «guerre à internet».

«Il est possible qu'il ne comprenne pas que le fait de retirer les journaux de News Corp. de Google signifiera cesser d'avoir de l'influence sur une grande partie du marché de l'information», explique-t-il.

Et si le WSJ peut être rentable sur internet, le modèle risque de ne pas être transposable à d'autres médias moins spécialisés ou prestigieux, prévient M. Kennedy: «s'il pense que quelqu'un va payer pour avoir accès au New York Post ou au site de la chaîne Fox News, je suis désolé, mais ça ne marchera pas».