Au défilé de Dolce & Gabbana, en septembre, les blogueurs vedettes Scott Schuman (The Sartorialist), Garance Doré, Tommy Ton et Bryan Boy ont eu des places dans la très convoitée front row, reléguant à la deuxième rangée les présidents des grands magasins de luxe que sont Neiman Marcus et Saks.

On leur avait même fourni des portables afin qu'ils puissent bloguer et «twitter» en direct. Le blogueurs sont-ils sur le point de devenir des VIP au sommet des listes médiatiques?

Sur la scène internationale, les blogueurs les plus populaires ont à tout le moins accédé à un statut de nouvelles coqueluches de la mode. L'été dernier, le grand magasin Holt Renfrew consacrait même ses vitrines à six cyberleaders, dont les quatre susmentionnés, auxquels s'ajoutaient Jane Aldridge, de Sea of Shoes, et Anita Clarke, de I Want I Got.

«Les blogueurs sont devenus les nouvelles célébrités de l'univers de la mode, affirmait au lancement John Gerhardt, directeur de la création de Holt Renfrew. Ils sont des collaborateurs avisés et influents qui composent le paysage médiatique contemporain. Leurs opinions et images sont pertinentes, créatives et poussent à réfléchir, procurant une source d'inspiration constante. Nous sommes honorés de rendre hommage à leur style.»

Cela dit, dans le paysage médiatique, loin des feux de la passerelle, les blogueurs indépendants ont encore du chemin à faire pour être reconnus. «Pour l'instant, je dirais que les médias traditionnels ont toujours la priorité, la crédibilité et l'impact le plus important, estime Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire en relations publiques et communication marketing à l'UQAM. D'ailleurs, au Québec, les grands blogueurs, ceux que les relationnistes cherchent à joindre, sont presque tous des journalistes.»

De plus en plus de demandes

À la Semaine de la mode de Montréal, les demandes de blogueurs augmentent d'année en année. Sophie des Marais, relationniste de l'événement, estime que 15 % des accréditations médias seront accordées à des blogueuses mode, cette année. On n'a refusé aucune demande. L'équipe a même accrédité une «Facebookeuse» qui comptait beaucoup de personnalités de la mode parmi ses 1200 amis!

«Pour le moment, l'approche est personnalisée, explique Chantal Durivage, coprésidente de Sensation Mode. Chaque contact, chaque demande est évaluée. Certains blogueurs ont des propos très pertinents. On veut leur accorder une place. Mais doit-on leur accorder la même importance que les journalistes des publications plus traditionnelles? C'est un beau problème.»

Les blogues et autres réseaux sociaux permettent aujourd'hui de courtiser des médias internationaux qui autrement n'auraient pas couvert l'événement. Par exemple, cette année, la Semaine de la mode de Montréal recevra une blogueuse du magazine britannique Dazed and Confused.

«Je surveille les blogues, ceux du Vogue par exemple. Mais l'empire Condé Nast est très difficile à percer. Il faut vraiment rester à jour, être très actif dans sa recherche de contacts», raconte Sophie des Marais.

M. Motulsky estime pour sa part que les relationnistes peuvent se placer dans une position délicate en donnant une accréditation média à des blogueurs indépendants et autres dilettantes du milieu. «C'est un peu risqué d'accréditer quelqu'un dont la principale qualité est d'avoir beaucoup d'amis! Cette personne peut ne pas maîtriser le langage, elle est moins responsable et imputable qu'un journaliste professionnel.»

Les blogueurs, surtout s'ils ne sont pas rattachés à un média reconnu, ne sont par contre pas accueillis à bras ouverts dans tous les domaines. Certains blogueurs se font refuser ne serait-ce que l'envoi de documents médiatiques (dossiers de presse, photos, etc.). Dans des milieux très en demande, comme la musique et le sport professionnel, la salle de presse est toujours réservée aux journalistes professionnels.

«Le Canadien a tellement de couverture médiatique qu'on ne peut pas accepter les blogueurs indépendants, affirme Dominic Saillant, directeur des relations médiatiques pour l'équipe de hockey montréalaise. C'est notre politique. La LNH a une certaine réglementation sur le plan de l'accréditation, mais au final, la décision revient à chacune des équipes.

«Pour le Canadien, il y a des contraintes d'espace, ne serait-ce que dans le vestiaire, où on peut admettre seulement un certain nombre de journalistes. Nous allons par contre accréditer des blogueurs qui sont associés à un média ou à un réseau majeur, comme La Presse ou ESPN. C'est une question de demande et d'accès. À court terme, je ne pense pas que ça change.»

.com si vous y étiez

C'est une évidence: nous assistons à une accélération de l'information. Mercredi, la blogueuse française Garance Doré postait en direct ses photos et ses impressions du défilé de Chanel, à Paris. Visiblement, elle était aux premières loges. Géraldine Dormoy, du blogue Café Mode, «twittait» en direct des grands défilés (Hermès, Louis Vuitton, Chanel, etc.). À Montréal, on se contentera d'offrir une salle de presse interactive et fonctionnelle pour les blogueurs, qui pourront rapidement faire leurs commentaires entre les défilés.

Suivez notre nouvelle blogueuse mode, Annabelle Nicoud, qui commentera quotidiennement la Semaine de la mode de Montréal, tenue du 13 au 15 octobre.