Google et Facebook ont offert en vitesse des services en farsi. Des utilisateurs de Twitter essaient de servir de couverture à des internautes à Téhéran, d'autres ont configuré leurs ordinateurs pour servir de points de relais afin de contourner la censure iranienne.

Dans le sillage de la présidentielle contestée du 12 juin en Iran, entreprises internet et utilisateurs du web se sont mobilisés pour aider les contestataires iraniens à communiquer et s'organiser.

Twitter a ainsi reporté une opération de maintenance pour que les internautes continuent d'avoir accès à la plate-forme de micro-blogs, tandis que des dizaines d'Américains ont mis en place des serveurs proxy (serveurs mandataires) pour permettre à des Iraniens de se rendre sur des sites web bloqués dans leur pays.

«Même si nous ne pouvons pas aider de façon directe, c'est un moyen d'aider indirectement», observe Ian Souter, 24 ans, infographiste au chômage qui vit à Lafayette dans l'Indiana. Lui et d'autres internautes ont mis en oeuvre des moyens pour que des Iraniens puissent avoir accès à Tor, un service permettant d'utiliser le Web de façon anonyme.

Même le site Pirate Bay, dont les quatre responsables présumés ont récemment été condamnés à de la prison ferme pour infraction à la législation sur les droits d'auteur, a lancé un réseau aidant les Iraniens à surfer sur Internet dans l'anonymat.

Reste qu'il est difficile de dire au juste combien de ces informations sont accessibles à la population en Iran. Le gouvernement a restreint les canaux de communication et les services de téléphonie cellulaires ont fonctionné de manière irrégulière. De nombreux sites ont été bloqués et le service bien plus lent qu'en temps normal. Même l'emploi de proxies est devenu plus difficile à mesure que les autorités les découvraient, et les Gardiens de la Révolution ont mis en garde les internautes contre toute mise en ligne de messages au contenu choquant et désobligeant sur des sites Web.

D'après Craig Labovitz, d'Arbor Networks, entreprise américaine spécialisée dans l'offre de solutions de sécurité des infrastructures réseau, le monopole iranien des télécommunications a réduit la vitesse de ses connexions Internet vers le monde extérieur, probablement pour accroître sa capacité à filtrer les données.

Les filtres semblent viser certaines des méthodes courantes destinées à échapper à la censure, dont l'utilisation de proxies, qui permettent aux Iraniens de masquer les sites qu'ils tentent de regarder en bénéficiant d'un relais via un serveur d'apparence inoffensive en dehors du pays.

Le gouvernement a «filtré Facebook mais nous utilisons un proxy», expliquait un habitant de Téhéran sous couvert d'anonymat dans un e-mail vendredi. «Nous protesterons jusqu'à ce qu'ils changent les résultats. Nous espérons».

Arik Fraimovich, un Israélien de 24 ans, a créé une application permettant à des internautes qui utilisent Twitter de teinter facilement les images de leur profil en vert, la couleur devenue le symbole de la campagne du candidat réformateur Mir Hossein Moussavi, qui demande l'annulation du scrutin officiellement remporté par le président sortant Mahmoud Ahmadinejad.

Au cours de la semaine, nombre d'utilisateurs de Twitter aux Etats-Unis et ailleurs ont également procédé à des modifications de leur profil, prenant pour ville d'origine Téhéran et pour fuseau horaire celui de la capitale iranienne, pour tenter de semer la confusion chez les censeurs. Cette manifestation de soutien a rendu plus difficile le comptage des personnes opérant depuis Téhéran.

Sur Facebook, des partisans de Moussavi ont organisé des actions de protestation sur sa page publique et mis en ligne des photos, vidéos et messages en farsi. Vendredi, l'adversaire de Mahmoud Ahmadinejad comptait plus de 66 000 soutiens.

Beaucoup d'informations sur les réseaux sociaux ne provenaient pas directement d'Iran mais de membres de la diaspora iranienne.

YouTube, site de partage vidéo de Google, est devenu de facto une chaîne d'informations sur les événements en Iran. Une recherche sur le mouvement de protestation contre les résultats officiels de la présidentielle iranienne aboutissait ainsi à près de 4000 résultats vendredi après-midi. YouTube dirigeait également les internautes vers son blog politique Citizentube, avec de fréquentes mises à jour de clips en provenance de l'Iran.

Jeudi soir, Google et Facebook ont lancé des services en farsi, invoquant les événements de cette semaine et la nécessité pour les Iraniens de pouvoir communiquer dans leur propre langue.

Si des informations ont fait état du blocage de Gmail, le service de courrier électronique de Google, un porte-parole du moteur de recherche Scott Rubin a déclaré que l'entreprise n'en avait pas vu de preuves. YouTube, de son côté, n'enregistrait que 10% du trafic normal depuis l'Iran, signe d'un blocage.