Les analystes avaient des difficultés à évaluer mardi l'impact de l'installation obligatoire d'un logiciel antipornographie dans les ordinateurs chinois, les directives officielles manquant de clarté ou étant contradictoires.

La Chine qui compte la plus grande population d'internautes au monde -- près de 300 millions--, va exiger que chaque ordinateur individuel vendu dans le pays à partir du 1er juillet le soit avec un logiciel de contrôle permettant de bloquer des sites pornographiques.

La mesure a été dénoncée lundi par une organisation américaine Computer and Communications Industry Association (CCIA) comme «une escalade dans la tentative de limiter l'accès à l'internet et la liberté».

Mais le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Qin Gang a expliqué mardi qu'elle visait à protéger la jeunesse en bloquant les sites «pas sains, pornographiques ou violents».

«Ce que je comprends c'est que le logiciel ne ciblerait pas les sites politiquement sensibles, pour lesquels le gouvernement a déjà des moyens de contrôle», a aussi estimé Liu Ming, analyste chez le consultant spécialisé en internet BDA, qui a chargé et étudié le logiciel controversé.

«Il vise principalement les jeunes», a ajouté Liu en soulignant toutefois que les consignes gouvernementales manquaient de clarté.

Celles-ci stipulent notamment que le programme baptisé «barrage vert d'escorte de la jeunesse» devait être pré-installé sur les ordinateurs vendus en Chine. Mais le gouvernment a ensuite affirmé qu'il pouvait être contenu sur un disque séparé, sans installation obligatoire.

Bryan Zhang, PDG d'une des sociétés ayant développé le programme, Jinhui Computer System Engineering, a indiqué à l'AFP que le logiciel «serait fourni aux acheteurs des nouveaux ordinateurs» mais que ces derniers «seraient libres de l'installer ou pas».

«Fondamentalement, il s'agit d'un logiciel antipornographie, semblable à ceux disponibles sur le marché américain», a-t-il poursuivi en s'étonnant de la polémique suscitée par le «barrage vert».

Premier à avoir révélé son existence, le Wall Street Journal avait aussi affirmé lundi, citant des sources industrielles étrangères, que ce logiciel permettrait de transmettre des données personnelles ou de rendre les ordinateurs vulnérables aux attaques.

Liu Ming a pour sa part indiqué ne pas avoir trouvé trace de risque d'invasion dans la vie privée en étudiant le logiciel.

La perspective d'un contrôle de plus dans un pays connu pour sa censure politique de l'internet n'a en tous cas pas enthousiasmé les utilisateurs de la Toile.

Selon un sondage sur le grand portail Sina.com, 81% des internautes ont estimé que le logiciel empiétait sur leur vie privée.

Mais près de 72% pensaient aussi qu'il n'empêcherait pas les jeunes d'accéder à la pornographie.

Pourtant, si le logiciel est bien fourni sur un disque séparé, la polémique n'en est pas une, a estimé Charles Mok, président pour Hong Kong de l'Internet Society, une organisation vouée au développement de l'internet.

Même pré-installé, il ne devrait pas falloir être un petit génie de l'informatique pour s'en débarrasser, a-t-il aussi souligné.

«L'idée c'est simplement de dissuader les gens d'aller sur certains sites», a-t-il encore dit.