Un succès planétaire mais peut-être une gigantesque occasion manquée. Alors que Susan Boyle s'apprête à chanter samedi en finale de «Britain's Got Talent», la première prestation de la révélation de l'émission britannique a déjà été vue 220 millions de fois sur Internet. Mais les producteurs ont sans doute laissé passer des millions dans l'affaire.

En l'espace de quelques semaines, Susan Boyle est devenue un phénomène sur Internet. La vidéo de son premier passage dans l'émission de la chaîne ITV, en avril dernier, dans lequel elle interprète I Dreamed a Dream, un titre de la comédie musicale Les Misérables, a été vue plus de 220 millions de fois sur le Web, selon Visible Measures, une société de recherche de vidéos sur Internet.

Sa performance en demi-finale le week-end dernier a montré que l'intérêt suscité par cette Ecossaise rondelette de 48 ans au look vieillot mais à la voix d'or, était loin d'être retombé. Sa version de Memory, extrait de la comédie musicale Cats, a été la vidéo la plus populaire de la semaine sur YouTube aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et quasiment partout ailleurs dans le monde. Selon Visible Measures, elle a déjà été visionnée 16,8 millions de fois, et est ainsi bien partie pour remporter un succès presque aussi grand I Dreamed a Dream.

Alors que des millions de personnes suivront la finale à la télévision en Grande-Bretagne, les fans de Susan Boyle dans le monde devront se tourner vers YouTube ou d'autres sites de partage de vidéos pour suivre l'acte final de Britain's Got Talent, l'équivalent britannique d'"Incroyable Talent» en France. La candidate, originaire d'une des régions les plus pauvres d'Ecosse, chantera samedi, et le vote des téléspectateurs livrera son verdict dimanche.

Si la Boyle-mania souligne l'essor incroyable des vidéos sur Internet et leur place grandissante au coeur de la culture populaire mondiale, elle témoigne aussi des difficultés des grands médias à profiter pleinement des succès sur la toile.

La société de production FremantleMedia Enterprises détient les droits numériques internationaux de «Britain's Got Talent» et le succès des vidéos de Mme Boyle pourrait laisser penser que la firme a réalisé une juteuse opération financière. Mais certains estiment au contraire qu'elle a laissé passer une opportunité de gagner des millions.

La majorité des vidéos visionnées sur Internet étaient des enregistrements non-officiels mis en ligne par des fans et aucun ne comportait de publicité. FremantleMedia, propriété du groupe RTL, co-produit l'émission avec SyCo Tv et Simco. Avant le phénomène Susan Boyle, les sociétés auraient tenté, sans succès, de conclure un accord avec YouTube sur l'affichage de publicités.

Il semble que Britain's Got Talent et ses producteurs aient choisi d'utiliser YouTube essentiellement comme un outil promotionnel. Cette stratégie a sûrement aidé l'audience d'ITV, qui a attiré environ la moitié des Britanniques regardant la télé dans le créneau horaire de l'émission et contribué à la notoriété du programme.

Mais l'engouement international suscité par Mme Boyle aurait pu permettre aux producteurs de gagner plus d'argent. Selon des estimations du Times of London, basées sur les tarifs des publicités en ligne, la vidéo de I Dreamed a Dream aurait pu rapporter près de deux millions de dollars avec seulement un peu de publicités sur YouTube.

Eliot Van Buskirk, du site Wired.com, pense qu'une occasion unique a été manquée. «Cette vidéo de Susan Boyle est en train de devenir rapidement la vidéo la plus vue de tous les temps, et personne ne gagne d'argent», regrette-t-il.

Il estime que cette situation montre la nécessité pour les créateurs de contenu et les distributeurs de parvenir à un accord lorsqu'il y a un succès exceptionnel comme celui-ci. «Nous sommes encore au début des médias sur Internet», ajoute-t-il.

En cas d'accord sur la publicité, un pourcentage des revenus qu'elle aurait générés aurait été touché par YouTube. Faute d'une telle entente, le site, détenu par Google, a gagné peu d'argent directement avec cette vidéo.

Reste que comme l'émission et ITV, YouTube a sûrement profité d'un effet Susan Boyle, en s'imposant comme le site où il fallait aller pour voir ses vidéos. L'ampleur du succès de ces vidéos n'était possible qu'avec YouTube, estime de son côté Hunter Walk, un responsable du site.

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