A la crise, Wang Hao a trouvé deux remèdes: faire appel aux dons sur l'internet pour acheter sa première voiture et limiter ses dépenses à environ 15 $ par semaine, pour vivre telle la fourmi.

Quand il y a 20 ans les jeunes Chinois manifestaient pour la démocratie place Tiananmen, ce photographe de 25 ans veut, lui, «aider le gouvernement» en ces temps difficiles, et a été suivi par des centaines de milliers d'internautes.La collecte qu'il a lancée sur le site soufun.com, du 3 février au 4 avril, pour sa voiture, lui a rapporté plus de 18.000 yuans (2900 $), plus de 6.000 internautes ayant accepté de lui verser entre 1 et 10 yuans, somme dérisoire.

«Si chacun donne un tout petit peu, c'est une bonne manière de relancer la consommation intérieure. Cela favorise la reprise économique en Chine et le gouvernement», déclare Wang, allure décontractée en jean, T-shirt et baskets.

Ensuite, il a fait voter les internautes sur leurs dix modèles de voiture préférés, qui sont tous fabriqués en Chine. Cela tombe bien aussi.

Maintenant, il est dans la phase d'essai des modèles avant d'arrêter son choix mais, quoiqu'il arrive, il devra mettre de sa poche encore environ 14 000 $.

«Sans l'aide des internautes, je n'aurais pas pu acheter une voiture aussi vite», dit Wang, «les gens m'ont donné de l'argent parce qu'ils trouvaient mon idée intéressante».

Enfin, pas tous. Certains se sont demandés s'il n'était pas à la solde du secteur automobile. D'autres l'ont baptisé avec un peu de mépris «le mendiant du net» et l'ont accusé de s'acheter une voiture avec l'argent des autres.

Le jeune homme revendique la transparence de son opération: «j'ai refusé le liquide, tout est allé sur mon compte». Wang a publié une centaine de pages de relevés bancaires où figurent ses milliers d'infimes rentrées.

«J'aurais arrêté la campagne si on avait atteint 30.000 yuans de dons», assure-t-il, «je voulais payer moi-même 70% de la voiture.

Depuis un an, Wang a fait parler de lui pour une autre raison: il a lancé une campagne «100 yuans par semaine», soit 16 $, pour vivre. Il a fait 300.000 adeptes.

«C'est surtout depuis le début de la crise que les gens m'ont rejoint», dit-il, «les Chinois se disent qu'il ne faut plus continuer à jeter l'argent par les fenêtres, il faut mener une vie frugale».

Wang et ses adeptes --essentiellement de jeunes cols blancs-- ont cessé de prendre les taxis et se déplacent à vélo. «C'est déjà 60 yuans d'économisés par jour», dit-il. Ils ne changent plus de portable tous les deux ou trois mois.

«Avant, on sortait dans les restos, on mangeait des pizzas, et ça faisait 100 yuans par repas», maintenant, «on revient vers la nourriture traditionnelle chinoise, les raviolis, les pains à la vapeur, les nouilles. Et je me suis mis à la cuisine».

La vie sociale n'en souffre pas, au contraire: «On se retrouve entre nous pour parler de notre campagne», dit Wang, «on échange des tuyaux sur les moyens de boucler la semaine avec 100 yuan».

«Au début, c'est dur, puis on s'habitue». Surtout les Chinois qui ont vu leur revenu baisser avec la crise.

Interrogé sur des initiatives similaires ailleurs, Wang assure: «l'idée vient de moi, si d'autres le font aussi, c'est qu'ils me copient».

«En 2008, j'ai acheté un appartement», explique-t-il, «mais la moitié de mon salaire partait dans mon crédit». La frugalité s'est imposée d'elle-même.

Mais cette dernière initiative n'est-elle pas en contradiction avec son souci de relancer la consommation et l'économie?

Pas du tout, assure Wang: «avec l'argent épargné, on peut acheter un appartement, une voiture. Et là, cela tire vers le haut de nombreuses industries annexes, c'est utile pour l'emploi».