Le magnat de la presse Rupert Murdoch a revêtu ses habits de sauveur d'une presse écrite en grande détresse face à la crise, en fomentant le projet de rendre payantes les versions internet jusqu'ici gratuites de plusieurs de ses quotidiens.

Le très décrié patron de presse australien, qui possède entre autres le Wall Street Journal, le New York Post, L'Australian, le Times britannique ou le Sun, envisage de faire payer la consultation en ligne «dans les 12 prochains mois», en démarrant par les titres les moins fragilisés. «Nous sommes au coeur d'un débat décisif sur la valeur des contenus et il est devenu évident que, pour de nombreux journaux, le modèle actuel ne fonctionne pas», argumente M. Murdoch, âgé de 78 ans.

Le Wall Street Journal est déjà payant sur l'internet mais il est probable que la décision du magnat australien de contrecarrer ce que font les autres et d'élargir cette pratique va être observée de près par tous les patrons de presse américains.

Rupert Murdoch n'est pourtant qu'un convaincu tardif, puisqu'il était encore contre cette idée avant d'acquérir le Wall Street Journal il y a deux ans. Mais il a depuis changé d'avis et c'est cette flexibilité qui fait sa force pour prendre la tête d'un mouvement de paiement des journaux sur l'internet appelé à s'étendre, selon plusieurs experts.

«Le passé professionnel de Rupert Murdoch montre son audace», estime Rick Edmons, spécialiste des médias à l'école de journalisme Poynter Institute en Floride (sud-est). «Ses qualités de dirigeant sont entourées d'un certain respect», ajoute-t-il, malgré les critiques sur ses prises de position en faveur des tabloïds.

«Quoiqu'on pense de Murdoch, c'est un homme d'affaires avisé, il sait quand un modèle économique échoue», assure Ryan Chittum, qui écrit dans les pages financières de la revue de l'école de journalisme de Columbia à New York.

Or, ajoute-t-il, «le modèle de la gratuité des journaux sur l'internet a échoué». «Les revenus publicitaires ne sont pas au rendez-vous et ne le seront pas, et pour rester au même niveau de qualité journalistique, la presse va devoir trouver d'autres sources de revenus», insiste encore cet ancien du Wall Street Journal.

Dans la tourmente actuelle, aucun patron de presse ne peut contester ce constat partagé par Rupert Murdoch mais peu ont envie de faire payer les lecteurs, de peur que ceux-ci ne boudent le site de leur journal.

Cependant, pour Zachary Seward, rédacteur en chef adjoint du Nieman Journalism Lab publié par l'université Harvard, «c'est vraiment le moment pour les journaux de devenir payants sur l'internet», d'autant plus que «la situation financière continue de se détériorer». Mais «quant à savoir si c'est la bonne solution» pour sauver la presse du marasme, «c'est encore à voir».

«C'est risqué», confirme Rick Edmons, tout en reconnaissant qu'il existe un débat vif sur la question dans la presse. Il rappelle l'échec des quotidiens comme le New York Times qui ont tenté d'offrir un service payant sur l'internet mais ont «vu s'effondrer le trafic sur leurs pages web».

«Beaucoup de gens disent que le Wall Street Journal est un cas particulier en raison de la pertinence de ses informations pour le monde financier» qui fait que les hommes d'affaire sont prêts à en payer le prix, précise le spécialiste.