La révolte gronde parmi les patrons de presse américains qui en ont assez de voir fondre recettes publicitaires et abonnements au profit de sites internet d'information gratuits qui pillent allègrement leurs médias, en toute illégalité... et quasi-impunité.

Mais cette déclaration de guerre n'est-elle pas trop tardive? Les analystes sont partagés: certains estiment qu'il est plus que temps de lancer une contre-offensive et de défendre la propriété intellectuelle.D'autres pensent que le modèle économique de la presse écrite est obsolète. Combattre la gratuité et internet en 2009, c'est perdre son temps et jouer les don Quichotte contre les moulins à vent, relèvent-ils.

«Nous sommes fous furieux et nous n'allons plus nous laisser faire,» a lancé le patron d'Associated Press (AP), une coopérative de plus de 1.400 journaux.

«Nous ne pouvons plus nous contenter de regarder les autres voler notre travail en utilisant de fausses théories légales,» a souligné Dean Singleton lors d'une rencontre de l'Association Américaine des Journaux à San Diego (Californie, ouest).

AP a annoncé en début de semaine prévoir des actions en justice à l'encontre des sites internet qui publient ses informations sans autorisation.

L'agence n'a cité aucun site en particulier, mais de nombreux journaux américains ont critiqué ouvertement des agrégateurs comme Google News.

«Doit-on permettre à Google de piller nos droits d'auteur?», a clairement demandé le magnat des médias Rupert Murdoch, propriétaire entre autre du Wall Street Journal (WSJ) et du New York Post.

«Merci, mais non merci,» a ajouté le patron du groupe News Corp..

Certains sites sont comme «des parasites ou le ver solitaire dans les intestins d'internet,» a renchéri crûment Robert Thomson, le gérant du WSJ, dans un entretien au journal The Australian.

«Certes, le public a été encouragé --à tort selon moi-- à considérer comme acquis la gratuité de tous les contenus», a-t-il dit. «Et c'est bien sûr de l'intérêt d'agrégateurs comme Google de profiter de cette perception erronée», poursuit-il.

Le PDG de Google Eric Schmidt, venu mardi rencontrer les patrons de presse à San Diego, s'est dit optimiste sur l'avenir de la presse, en dépit d'une série de fermetures et de faillites aux Etats-Unis. En revanche, il s'est montré très sceptique sur la possibilité de voir les lecteurs payer pour des informations en ligne.

Rappelant aussi qu'AP avait des accords de licence de plusieurs millions de dollars avec Google, M. Schmidt a dit espérer que ces accords perdureraient.

L'Agence France-Presse a également des accords de licence avec Google.

Alexander Macgillivray, un avocat du groupe internet américain, a par ailleurs assuré que Google News favorisait la consultation des sites des quotidiens.

Selon l'Association Américaine des Journaux, les recettes publicitaires de la presse écrite ont chuté de 17,7% et même la publicité en ligne a reculé de 1,8%.

«Ce que fait AP maintenant, comme beaucoup d'autres journaux, c'est trop peu et trop tard face à la menace d'internet,» estime Tom McPhail, professeur à l'université du Missouri, à Saint Louis (centre).

«La justice est trop lente,» confie M. McPhail à l'AFP. «Ils ont besoin d'une victoire rapide, et ils ne vont pas l'obtenir.»

Plus caustique, l'analyste Peter Kafka écrit sur son blog MediaMemo consacré à l'actualité des médias: «AP s'en prend à Google (... et) dit à internet de ne pas marcher sur ses plates-bandes», suggérant l'inanité selon lui d'une telle contre-offensive.