Si elle veut continuer à sillonner les rues de Montréal et de Québec avec une caméra à 360 degrés pour alimenter son service Street View, Google devra faire preuve de plus de transparence, demande le Commissariat à la protection de la vie privée.

Dans un guide qu'il a publié hier sur son site internet, le Commissariat demande à Google, ou à toute autre entreprise offrant un service semblable à Street View, de «déployer plus d'efforts pour faire savoir aux citoyens qu'elles vont photographier les rues de leur ville (et) du moment où cela se produira», lit-on dans le guide, réalisé en collaboration avec la Commission d'accès à l'information du Québec.

 

Street View est un service controversé lancé par Google en 2007, qui permet aux internautes de voir des images de quartiers précis, prises au niveau de la rue. Ces images proviennent de photos recueillies par des véhicules qui sillonnent les rues une à une, sur lesquels des caméras filmant à 360 degrés ont été installées. En prenant les images, les caméras de Google captent inévitablement des passants qui se promènent dans la rue.

Le service est déjà offert presque partout aux États-Unis, ainsi que dans 10 autres pays, dont la France, la Grande-Bretagne et l'Australie.

Le 24 mars dernier, Google a créé une certaine commotion au Canada en annonçant dans un communiqué de presse que des voitures Google munies des fameuses caméras à 360 degrés circuleraient sous peu dans les rues de 11 villes canadiennes, dont Montréal et Québec. Une de ces voitures a d'ailleurs été aperçue mardi, rue Roy, à Montréal.

Images gênantes

Chaque fois que Street View a été lancé dans une ville, des citoyens ont vite trouvé des images gênantes, comme celle d'un homme entrant dans un magasin de livres érotiques, ou celle d'une femme sortant ses vidanges à moitié nue. Google assure toutefois respecter scrupuleusement la vie privée des gens, en utilisant notamment une technologie qui brouille automatiquement les visages des personnes qui sont prises en photo au moment du passage de la voiture.

Mais au Canada, la loi sur la protection des renseignements personnels exige davantage de protection. «Elle prévoit que vous devez être au courant lorsqu'on vous photographie à des fins commerciales, et (que vous avez le droit de) connaître l'utilisation qui sera faite de votre image. On doit également obtenir votre consentement», écrit le Commissariat à la protection de la vie privée dans sa fiche d'information. Or, dans le communiqué qu'elle a diffusé en mars, Google ne donne aucune précision quant aux dates de tournages et aux moyens que peuvent prendre les citoyens pour s'assurer de ne pas être filmés par ses caméras.

«Dans les prochaines semaines, des voitures de Google vont photographier les zones métropolitaines suivantes: Calgary, Edmonton, Halifax, Montréal, Ottawa, Quebéc (sic), Saint-John, Saskatoon, Toronto, Vancouver, Winnipeg», se contente d'écrire l'entreprise dans son communiqué.

Devoir d'information

Le Commissariat à la protection de la vie privée estime que Google doit prendre plus au sérieux son devoir d'informer la population de la date et de l'heure à laquelle ses voitures filmeront tel ou tel quartier. «On pourrait utiliser une vaste gamme de moyens (comme des) communiqués de presse, des médias régionaux et des sites web de service, pour diffuser les renseignements sur les dates et les emplacements de tournage, la raison pour laquelle on procède à ces derniers, et la manière dont on peut communiquer avec l'entreprise pour obtenir davantage de renseignements», écrit le Commissariat.

«Il faut voir (ces mesures) comme un guide de bonnes pratiques, a expliqué à La Presse la porte-parole du Commissariat, Anne-Marie Hayden. Si Google ne s'y conformait pas et qu'un citoyen nous transmettait une plainte, nous pourrions démarrer une enquête.»

Mardi, lors de son passage dans le sud de l'Angleterre, Google a fait face à une vague de résistance imprévue. En arrivant dans le village de Broughton, des résidants ont forcé la voiture-caméra à rebrousser chemin en formant une chaîne humaine. «J'étais à l'étage lorsque j'ai aperçu la voiture-caméra descendre la rue, a raconté le villageois Paul Jacobs au journal Times of London. Ma première réaction a été la colère. Quel culot de penser prendre ma maison en photo sans mon consentement!»