L'étude d'ingénierie détaillée visant à déterminer comment un réseau sans fil sera déployé pour joindre les secteurs gaspésiens non desservis par Internet haute vitesse est accordée à TELUS. Mais la soumission de 7500 $ déposée par ce géant secoue les deux groupes ayant déposé des offres de 110 000 $ et de 113 500 $.

L'appel d'offres a été lancé par le Réseau collectif de communications électroniques de la Gaspésie, un organisme sans but lucratif disposant de subventions de 1,5 million $ de Québec et de 1,75 million $ d'Ottawa pour voir au branchement des secteurs gaspésiens non desservis, un projet de 4,7 millions $.Robert Parent, de Planète sans fil à New Carlisle, et Denis Gignac, de Télécommunications de l'Est à Matane, se demandent si les pratiques de saine concurrence ont eu cours, tant la différence est grande entre l'offre de TELUS et les leurs, qui sont 15 fois plus élevées.

«J'ai demandé un avis au Bureau de la concurrence du Canada. TELUS ne peut réaliser une étude d'ingénierie détaillée avec 7500 $. C'est un chiffre ahurissant. Nous avons coupé nos coûts dans toutes les catégories pour arriver à un prix de 110 000 $. On parle d'une étude qui vise à relier les foyers de 43 communautés au réseau. TELUS a décidé de couper les jambes de la concurrence», précise M. Parent.

Il s'étonne de voir TELUS afficher un prix qui fera perdre volontairement de l'argent à l'entreprise. «Y a-t-il quelque chose de caché? Ce qui est dommage, c'est que des entreprises comme la nôtre, fondées par des jeunes ayant décidé de revenir en Gaspésie, soient tassées de cette façon. Nous sommes capables de perdre un appel d'offres, mais cette procédure n'a pas été menée de façon juste», poursuit M. Parent.

Denis Gignac estime aussi que l'offre déposée par TELUS est irréaliste. «Il faut aller sur le terrain, mesurer, négocier avec les propriétaires pour l'installation des tours, faire les plans et devis d'installations, faire la surveillance de construction, produire les plans tel que construit. Déposer une offre de 500 $ ou de 1 $, c'est la même chose. TELUS est déjà un partenaire du Réseau collectif et elle n'aurait pas dû participer à l'appel d'offres. Elle devrait s'en retirer.»

Le Réseau collectif avait en effet choisi TELUS comme partenaire technique lors de l'installation de la fibre optique en Gaspésie pour un ensemble d'institutions publiques. L'initiative de 19 millions $ avait été appuyée à près de 95 % par des fonds publics.

En 2008, Planète sans fil a branché à la haute vitesse les foyers de Nouvelle, un marché que TELUS ne considérait pas comme assez grand. La firme était associée à Francoeur MacDonald de Gaspé et TMC Télécom de Nouvelle pour le dernier appel d'offres.

Télécommunications de l'Est a fêté ses 30 ans en 2008. La firme compte 65 employés de Havre-Saint-Pierre à Gaspé, en passant par Sept-Îles, Rimouski, Matane et Maria.

Le président du Réseau collectif, Magella Emond, avoue avoir été «surpris» par l'offre de 7500 $ de TELUS, mais il assure que la compagnie n'aura pas de faveur en retour.

«Absolument pas. Ils sont déjà sur le territoire et ils ont peut-être des données.» Il dit que le choix de TELUS est encore officieux en attendant la signature des deux parties.

De plus, même si TELUS efectue l'étude, la firme ne sera pas nécessairement choisie comme partenaire du projet de 4,7 millions $, dit M. Emond.

Le Bureau de la concurrence refuse de commenter la situation. Le député fédéral de Gaspésie-Les-Îles, Raynald Blais, est de son côté abasourdi par l'écart des montants. «Un écart de quelques points, c'est possible, mais il y a un problème quand TELUS présente une offre de 7500 $ et les autres, un peu plus de 100 000 $.On est en droit d'obtenir des explications de TELUS.»

La porte-parole de TELUS, Stacey Masson, explique le montant de 7500 $ par le fait que sa firme a fait jadis une étude qui recense les coûts de l'offre de service en Gaspésie et qu'il s'agit de faire «une mise à jour de ce qui a déjà été fait pour répondre aux besoins spécifiques de l'appel d'offres».