Même si le Code de procédure civile leur interdit de le faire, plusieurs blogueurs québécois ont publié vendredi les noms et même les photos d'un milliardaire québécois de 49 ans et de son ex-conjointe de 34 ans qui le poursuit afin d'obtenir une pension alimentaire pour elle-même ainsi qu'une somme de 50 millions $.

En moins de cinq minutes, Le Soleil a pu retracer vendredi matin au moins huit blogues et quelques forums québécois où les protagonistes de cette saga familiale haute en couleur étaient clairement identifiés. De célèbres blogueurs américains ont aussi embarqué dans la danse.«Moi, ça ne me gêne pas du tout de le faire. Il y avait tellement d'indices diffusés dans les médias que j'ai deviné l'identité du milliardaire, alors je l'ai publiée sur mon blogue. Je ne me sens pas tenu par l'interdit de publication des noms des conjoints, car je ne me considère pas comme un média», explique Louis-Philippe, un blogueur montréalais.

Celui qui pratique son art depuis deux ans et se définit comme un blogueur de centre-gauche dit s'intéresser aux questions qui suscitent des réflexions sur les enjeux sociaux. Il estime que le milliardaire ne doit pas s'attendre à ce que son identité passe inaperçue.

«C'est la rançon de posséder des milliards, ça! Je suis d'accord pour protéger les femmes et les enfants des causes ordinaires de divorce, mais dans son cas à lui, tout le monde sait de qui il s'agit», ajoute-t-il, avouant qu'il n'avait pas longuement réfléchi aux conséquences avant de publier.

«Je pense que je suis trop petit pour être atteint. Si le système de justice s'attaquait à tous les blogues qui traitent de ce dossier, ça ne finirait plus!» poursuit Louis-Philippe, en demeurant toutefois conscient du fait que légalement, il avait enfreint la loi.

«Quelqu'un tentera sûrement un jour de faire un exemple avec un blogueur. Moi-même, si on me mettait en demeure, c'est certain que j'enlèverais ces renseignements de mon blogue», concède-t-il.

Dominique Goubeau, professeur de droit à l'Université Laval, indique que les blogueurs québécois qui ont diffusé le nom des ex-conjoints enfreignent bel et bien l'article 815.4 du Code de procédure civile.

«Ils courent un risque, car ils pourraient effectivement faire l'objet de poursuites en dommages et intérêts de la part des personnes impliquées», explique M. Goubeau.

«C'est une règle qui n'existe pas dans les autres provinces, mais au Québec, on a fait le choix que les litiges en matière familiale étaient des questions tellement privées qu'il n'y avait pas d'intérêt ou d'utilité à savoir que le voisin a des problèmes de couple», image-t-il.

«Par contre, des blogueurs et des médias d'ailleurs au Canada ou d'ailleurs dans le monde peuvent diffuser ces informations sans être inquiétés, puisque les lois québécoises ne s'appliquent pas sur leur territoire. Il faut dire que cette loi a été écrite il y a

25 ans, alors qu'on n'était pas dans le contexte d'Internet», précise le professeur.

M. Goubeau souligne toutefois que la loi concerne seulement la publication et la diffusion de l'information. «Une personne qui dévoilerait le nom du milliardaire à son voisin à un arrêt d'autobus n'enfreint donc pas la loi. Par contre, si cette même personne se mettait à crier cette information au coin de la rue, on pourrait parler de diffusion», conclut-il.