Tests de prédisposition à différentes maladies, tests de paternité, analyses des origines familiales lointaines: les tests génétiques échappent à la sphère scientifique pour s'inviter chez le simple citoyen par le biais d'internet, avec à la clef d'importants enjeux économiques.

Le nouveau marché des tests génétiques en libre accès est en pleine explosion, répondant à une exigence croissante d'autonomie des individus, de droit de savoir, de se connaître.

Pour autant, ils posent de nombreux problèmes, notamment sur leur fiabilité, leur confidentialité, leur utilité, leur impact sur l'utilisateur et sa capacité à en interpréter correctement les résultats.

Le nombre de tests génétiques disponibles - plus de 1000 aujourd'hui - a été multiplié par trois entre 2001 et 2007. Leur champ d'application est vaste, de l'identification d'un suspect à la médecine prédictive, en passant par l'établissement d'un arbre généalogique.

L'encadrement juridique varie selon les pays, mais internet permet de contourner aisément les garde-fous imposés par les Etats.

Depuis l'automne 2007, plusieurs start-up se sont lancées dans la vente en ligne de tests en trousses portant sur l'ensemble du génome et permettant, moyennant finances (entre 1100 $ et 2800 $ CA), de connaître son ascendance ou sa prédisposition à certaines maladies: Alzheimer, cancers du sein, du côlon, de la prostate, glaucome, diabète... Cela sans intermédiaire médical.

Google a investi 4 millions de dollars dans chacune des deux entreprises américaines 23andMe et Navigenics, les plus connues avec DecodeMe, émanation de la société deCode Genetics.

Une trentaine de sites internet, en majorité américains, proposent aujourd'hui des tests de susceptibilité à des maladies, selon un récent rapport parlementaire français.

Pour 23andMe, il s'agit de «combiner la puissance d'internet et celle de la génétique» pour «permettre aux individus une avancée décisive dans la connaissance qu'ils ont d'eux-mêmes».

Navigenics affiche l'ambition de les «aider à vivre en meilleure santé et plus longtemps». Pour DecodeMe, les tests peuvent leur permettre «de prendre des décisions mieux informées sur leur santé».

«Beaucoup de tests actuellement proposés sont de l'arnaque», estime la généticienne française Ségolène Aymé, pour qui cette «génétique récréative», au-delà de l'éthique, pose de vrais problèmes de «protection du consommateur».

«Tous ces tests sont empreints d'un degré très important d'incertitude», souligne Arnold Munnich (centre de génétique médicale, hôpital Necker, Paris).

La majorité des maladies testées, soulignent des experts, mettent en jeu à la fois plusieurs gènes, mais aussi des facteurs environnementaux, d'où la nécessité d'une grande prudence dans l'interprétation de ce qui relève de la «probabilité».

Des questions éthiques se posent par ailleurs lorsqu'il s'agit de «prédire» la survenue d'une maladie que l'on ne sait ni prévenir, ni guérir. Ou encore d'utiliser à des fins de recherche les données individuelles des clients.

Faut-il alors une réglementation de l'offre commerciale sur internet à l'échelle internationale ? Dans un article publié en novembre dans la revue scientifique Nature, Barbara Prainsack (Centre for Biomedicine and Society, King's College, Londres) reconnaissait la nécessité d'une régulation, mais mettait en garde contre une «surréaction».

Le Dr Prainsack expliquait que les tests génétiques sur internet font éclater les frontières traditionnelles (entre médical et non médical, entre experts et «profanes»...). «Nous devons entrer dans ces eaux les yeux ouverts, mais sans avoir peur d'être mouillés», concluait-elle.