Victime de l'éclatement de la «bulle internet» au début des années 2000, la jeune industrie du web vit, avec la récession actuelle, sa deuxième crise, mais le secteur semble mieux préparé à affronter cette période difficile.

«Depuis fin août, plus de 75.000 licenciements ont eu lieu dans la Silicon Valley (aux Etats-Unis). Les entreprises du secteur ont réduit de 10% à 40% leurs effectifs. C'est allé très vite», souligne Loïc Le Meur, organisateur de la conférence internationale «LeWeb08» qui réunit jusqu'à mercredi à Paris 1.700 professionnels.

Lui-même a dû supprimer en octobre dix emplois sur les trente que comptait sa start-up Seesmic, un réseau spécialisé dans la vidéo installé à San Francisco.

Le groupe internet Yahoo!, le site d'enchères en ligne eBay ou encore LinkedIn, réseau professionnel de socialisation sur la toile, ont également annoncé la suppression de 10% de leurs effectifs.

Si la tentation est grande de faire un rapprochement avec l'éclatement de la bulle internet dans les années 2000, le contexte n'est pourtant pas le même.

Alors que la crise n'avait alors touché que le secteur de l'internet, après une période d'euphorie et d'investissements à tout-va, elle affecte cette fois toute l'économie. Et le web dispose d'un certain nombre d'atouts pour résister au ralentissement.

En matière de publicité, principale source de revenus des sites, le secteur devrait tirer son épingle du jeu par rapport aux médias traditionnels en raison de «ses qualités intrinsèques en matière d'innovation et de mesure de l'efficacité» des campagnes, selon ZenithOptimedia, filiale du groupe Publicis.

Les budgets vont certes ralentir «significativement, avec une croissance presque divisée par deux d'une année sur l'autre», mais celle-ci devrait tout de même atteindre 18% en 2009, dans un marché global en recul de près de 2%, a indiqué l'agence lundi.

De plus, note M. Le Meur, les entrepreneurs «ont appris de la bulle internet et savent donc s'adapter très rapidement».

Dans ce contexte, l'ambiance n'est «pas à la morosité», mais à la «prudence», contrairement à 2000 où elle «était catastrophique», souligne le PDG du site de ventes en ligne PriceMinister, Pierre Kosciusko-Morizet.

La crise peut même être propice aux projets innovants: «les grands succès internet sont nés de l'après-bulle, à une époque où internet était complètement moribond», à l'image de Google, YouTube ou Meetic, rappelle M. Le Meur.

«C'est un bon moment pour monter une boîte, vous avez moins de concurrents», confirme le dirigeant de PriceMinister, également créé peu après l'éclatement de la bulle: «cela nous a obligé à démarrer sur des bases saines, à se projeter sur du long terme, à faire attention aux coûts».

Pour autant, la disparition d'entreprises au modèle économique peu viable est à prévoir. Notamment dans le secteur des réseaux de socialisation où il ya «trop d'acteurs avec le même positionnement», estime Vincent Bonneau, analyste à l'Institut de l'audiovisuel et des télécoms en Europe (Idate).

Autre souci: «les financements dans internet sont très croisés. Beaucoup d'entreprises du secteur reposent sur le fait que d'autres sociétés du web se développent. L'un des plus gros pourvoyeurs de revenus de Google est eBay, par exemple», relève-t-il. En bref: si l'un va mal, l'autre souffre.

Or, le commerce en ligne devrait être freiné par la crise. En France, sa croissance devrait diminuer de moitié d'ici 2010, tout en restant à un niveau élevé ("17%), selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance.