Saddam Hussein avait décidé que ses concitoyens pouvaient survivre sans les délices des nouvelles technologies. Depuis que son régime est tombé, il y a cinq ans, les Irakiens ne peuvent plus se passer des téléphones mobiles et de l'internet.

«L'internet, comme les portables, nous sont désormais indispensables», admet Sajjad, un vendeur de téléphones mobiles, dans le centre de Bagdad.L'explosion des moyens de communication est l'une des conséquences les plus tangibles de l'intervention américaine en Irak, en mars 2003. En mettant fin au règne autoritaire de Saddam Hussein, elle a fait entrer un pays littéralement coupé du monde dans l'univers des télécommunications modernes.

Aujourd'hui, le nombre des téléphones mobiles en Irak est évalué entre 8 et 10 millions, pour une population de quelque 26 millions d'habitants, et trois opérateurs se disputent le marché.

«Je télécharge sur mes portables des chansons, des images, des vidéos clips pour mes clients», poursuit Sajjad. «Mes clients me demandent beaucoup de chansons, des vidéos rigolotes que je trouve sur le site internet YouTube.»

«Certains clients n'ont pas d'argent pour approvisionner leur compte et appeler. Mais ils veulent des vidéos et des chansons sur leur portable.»

Ali Adel, autre vendeur de portables, se félicite que le commerce des téléphones mobiles soit devenu en cinq ans un juteux business. «Les appareils d'occasion sont particulièrement prisés, et c'est là-dessus que nous faisons une grande partie de nos marges.»

Depuis mars 2003, le web est également accessible librement aux Irakiens, et des dizaines de fournisseurs d'accès internet ont vu le jour.

«Sous l'ancien régime, il y avait quelques rares cafés internet dans des grands hôtels», se souvient le propriétaire du «Centre de Bagdad», l'un de ces cybercafés que l'on trouve dorénavant à tous les coins de rues de la capitale irakienne.

Internet était placé sous étroite surveillance, de nombreux sites étaient bloqués. Chaque mail envoyé était intercepté et lu par les «moukhabarats» (services de renseignements), qui supprimaient purement et simplement les messages qui leur déplaisaient.

Une unité spéciale des services de sécurité, qui centralisait tous les messages envoyés par les utilisateurs d'internet en Irak, était en charge de cette besogne.

Les réponses à ces mêmes messages, qui prenaient parfois des jours pour arriver à leur destinataire, étaient vérifiés de la même manière.

Ces restrictions ont aujourd'hui disparu et des millions d'Irakiens utilisent quotidiennement internet pour se divertir, s'informer, se rencontrer ou «chatter».

«Chaque vendredi, je vais dans un café internet et je surfe pendant au moins deux heures sur le web», dit Bassam, chrétien d'une vingtaine d'années: «J'utilise bien sûr Yahoo et MSN messenger, mais je participe également à des sites communautaires comme Hi5».

Internet, le clavardage et le téléphone gratuit via le net, sont devenus les moyens préférés des Irakiens pour correspondre avec leur famille ou proches à l'étranger.

«La plupart des usagers de mes seize ordinateurs ont entre 17 et 35 ans», observe un autre gérant de cybercafé dans le quartier commercial de Karrada. «Ils clavardent, certains travaillent, mais beaucoup regardent des sites un peu spécialisés», ajoute-t-il, sourire en coin, en une pudique mais claire allusion aux sites pornographiques et de rencontres.

«L'heure de pointe est entre 16H00 et 19H00, mais ma boutique reste ouverte jusqu'à 10 heures» du soir.

«J'aime clavarder, je viens ici tous les jours», raconte l'un de ses clients, l'étudiant Abdul Rahman Omar. «J'utilise le net pour faire la connaissance de filles partout dans le monde. Et ça marche!», sourit ce grand adolescent. Mais «c'est plus compliqué pour les rencontrer», plaisante-t-il.

Autre activité très populaire chez les Bagdadis, partager des vidéos sur leur téléphone mobile grâce à la technologie bluetooth. Là aussi les chansons populaires, les vidéos humoristiques sont les plus appréciées, avec les inévitables vidéos pornographiques.