Si les conflits ont souvent été marqués par les technologies employées pour les décrire, les historiens se souviendront probablement de la guerre en Irak comme de la première e-guerre.

Si les conflits ont souvent été marqués par les technologies employées pour les décrire, les historiens se souviendront probablement de la guerre en Irak comme de la première e-guerre.

Qu'ils soient militants d'Al-Qaïda, pacifistes, conservateurs, civils irakiens ou soldats américains, tous ont en commun d'utiliser le Web pour diffuser leur version de la vérité sur le conflit, qui entrera jeudi dans sa sixième année.

Ainsi, de retour de mission, nombre de soldats américains branchent leur ordinateur portable et se connectent. Si leur base est suffisamment importante pour que le haut débit ait été installé, ils peuvent téléphoner chez eux, regarder les journaux télévisés, voire livrer leur propre opinion sur le conflit via leur blogue.

«Je tiens un blogue pour les même raisons que les soldats écrivaient autrefois des lettres ou des journaux intimes: pour communiquer avec la famille et les amis, et pour rendre compte honnêtement de ce qui se passe ici», explique Matt Gallagher, auteur du blogue https://kabookwarjournal.blogspot.com.

«Les blogues ne sont jamais que des outils du XXIe siècle utilisés par une nouvelle génération de soldats».

Le web abrite des centaines de «blogues de soldats», certains formidables, d'autres incompréhensibles. On y retrouve aussi bien des techniciens informatiques de l'armée de l'air s'étendant sur des problème de logiciel qu'un avocat de l'armée décrivant ses joggings dans la zone verte.

Si Matt Gallagher a choisi de respecter les instructions du Pentagone concernant la tenue d'un blogue -le sien est d'ailleurs enregistré auprès de sa hiérarchie - d'autres militaires préfèrent se passer d'autorisation, comme «The Usual Suspect», sur https://theunlikelysoldier.blogspot.com.

Pour lui, s'exprimer sans contraintes permet de mieux surmonter ses expériences sur le terrain.

«Quand les choses ont commencé à vraiment empirer, j'ai abandonné toute retenue et je me suis mis à écrire ce dont j'avais vraiment envie. Ca m'a aidé à surmonter un bon nombre de frustrations», témoigne-t-il, refusant de révéler sa véritable identité pour pouvoir continuer à tenir son blogue.

«Depuis, je ne fais plus de cauchemars. C'est comme une valve de sûreté».

Pourtant, affirme Gregory Smith, porte-parole en chef de l'armée américaine en Irak, les militaires n'ont pas à s'inquiéter de ce qu'ils écrivent, dès lors qu'ils appliquent les règles également imposées aux journalistes embarqués et ne révèlent rien qui pourrait mettre des vies ou une opération en danger.

D'ailleurs, souligne-t-il, l'armée américaine a elle aussi pris conscience de l'efficacité d'Internet pour faire passer son message sur l'Irak, via son site https://www.mnf-iraq.com.

Même si le tableau qui y est dressé de la situation est très éloigné de ce qu'on peut lire sur les blogues des soldats.

Qu'importe. Le problème tient à ce que l'ennemi a également compris l'intérêt d'Internet, qui «permet d'atteindre un public mondial, à très peu de frais et très rapidement», observe Gregory Smith.

«Ici en Irak, nous avons réussi à réduire le réseau qui fournit la plupart des contenus... Je dirais que nous avons restreint de 80% la présence d'Al-Qaïda dans les médias irakiens».

Malgré cela, l'Armée islamique d'Irak dispose toujours d'un site en anglais, https://iaisite-org où elle appelle à la poursuite de la guerre sainte au Proche-Orient.

Pire: le site met également en ligne des vidéos d'attaques contre des soldats américains, dont certaines sont mortelles.

La guerre s'étend donc au Net, et pas seulement au figuré. L'an dernier, les réseaux estoniens ont été visés par des attaques que certains ont attribuées à la Russie.

«C'est un fait acquis que, désormais, Internet sera utilisé par nos ennemis pour nous faire la guerre», reconnaît Gregory Smith. «Ce qui compte, c'est de s'assurer qu'ils ne sont pas les seuls, qu'ils ne nous empêchent pas d'y accéder et que nous sommes aussi libres de nous en servir qu'eux».