Une étude trace un portrait étonnant des pédophiles sur l'internet... et de leurs victimes.

Une étude trace un portrait étonnant des pédophiles sur l'internet... et de leurs victimes.

C'est le cauchemar de tout parent. Un pédophile qui sévit sur la Toile, se faisant passer pour un enfant pour en leurrer d'autres. Pourtant, une nouvelle étude montre que ce scénario relève plutôt de la légende urbaine que de la réalité. Des chercheurs parrainés par l'Association américaine de psychologie peignent un nouveau portrait des cyberprédateurs sexuels. Et de leurs victimes.

La plupart des agresseurs sexuels opèrent à visage découvert sur la Toile, a constaté l'équipe dirigée par la professeure Janis Wolak, de l'Université du New Hampshire. Dans un cas typique, ils échangeront longuement avec leur victime afin de gagner leur confiance. Résultat: les adolescents qui tombent dans le panneau ont l'impression de se lancer dans une relation romantique avec un adulte.

«Les médias d'information laissent entendre que ces crimes sont violents, que les agresseurs bernent des enfants très jeunes, mais ce n'est vraiment pas le cas, explique la Dre Wolak, jointe par La Presse. Ces agresseurs sont très ouverts. Ils ne cachent à personne qu'ils sont des adultes, et cachent rarement leur intérêt sexuel.»

Scepticisme

La recherche, qui sera publiée aujourd'hui dans la revue American Psychologist, condense les résultats de 3000 entretiens avec des internautes âgés de 10 à 17 ans, et de 612 entrevues avec des policiers de différents États et provinces.

On y apprend qu'à peine 5% des agresseurs se font passer pour des enfants pour attirer leur victime. Et que 75% de celles-ci rencontrent leur agresseur face à face à plusieurs reprises.

«Il n'y a rien de nouveau là-dedans, tranche Xavier Von Erck, fondateur de l'organisme californien Perverted Justice. Nous aurions pu dire ça aux gens il y a trois ans.»

Formé en 2003, ce groupe pourchasse les pédophiles qui leurrent les jeunes internautes. Ses bénévoles infiltrent les forums de discussion et les sites de réseautage afin de débusquer et de dénoncer les cyberprédateurs. Son action a permis l'arrestation de 266 pédophiles depuis 2004.

«Cette étude nous montre exactement ce à quoi nous avons affaire depuis des années. explique Xavier Von Erck. Nous avons affaire à des hommes qui entrent en contact avec des enfants et qui tentent ensuite de les convaincre qu'il n'y a rien de mal à avoir des relations sexuelles avec des adultes.»

Mais d'autres sont sceptiques. Ex-cyberenquêteur, le directeur de l'Institut de sécurité de l'information du Québec, Jacques Viau, estime que la réalité est beaucoup plus sombre que le portrait tracé par la nouvelle étude.

«Les activités à caractère sexuel sur l'internet ont connu une croissance fulgurante et le nombre de réseaux organisés de pédophiles a grandi, dit-il. Ce qu'on constate, aussi, c'est que les jeunes sont approchés de façon extrêmement intelligente. Ces prédateurs sont très fins à cet égard.»

Victime impuissante?

N'empêche, ces nouvelles données pourraient modifier en profondeur la façon dont les forces de l'ordre combattent les prédateurs sexuels sur l'internet. Car les victimes de ces criminels sont souvent moins impuissantes, moins naïves qu'il n'y paraît.

«On se rend compte que le comportement des adolescents prouve qu'ils sont au moins partiellement conscients de la rencontre qu'il vont avoir avec un adulte, explique Benoît Dupont, professeur au Centre international de criminologie comparée. Ils savent aussi pourquoi l'adulte veut les rencontrer, c'est-à-dire pour avoir des relations sexuelles.»

«Nous devons être beaucoup plus francs avec les jeunes au sujet de ce type de criminalité, estime Janis Wolak. En fait, ces résultats devraient nous inciter à éduquer davantage les jeunes adolescents au sujet des relations sexuelles avec les adultes.»