La séduction est une activité coûteuse en temps, et les sites de rencontre réduisent les coûts de transaction.

La séduction est une activité coûteuse en temps, et les sites de rencontre réduisent les coûts de transaction.

Trouver l'âme soeur et former un couple pour, éventuellement, se reproduire, c'est la même chose que d'acheter un frigo. Sur le chemin de l'amour, ce n'est pas Cupidon qui nous guide, mais bien la main invisible d'Adam Smith.

C'est ce qu'a découvert Mathieu Laberge, économiste à l'Institut économique de Montréal, en s'intéressant aux sites de rencontres en ligne.

Le marché de l'amour existe, a-t-il résumé lors d'un entretien avec La Presse Affaires, et les acheteurs et les vendeurs s'y comportent exactement comme ils le font dans n'importe quel autre marché.

Si ces sites sont aussi populaires, c'est qu'ils sont bien plus efficaces pour trouver un partenaire que les moyens traditionnels, comme les bars, explique-t-il.

La séduction est une activité coûteuse en temps, et les sites de rencontre réduisent les coûts de transaction, dit-on dans le langage des économistes.

Mathieu Laberge a étudié un échantillon de 86 256 personnes inscrites chez RéseauContact, pour savoir si leur comportement était influencé par les facteurs qui déterminent généralement les marchés, comme le prix, la quantité, l'information, le coût de renonciation et la rareté.

Il a lui-même été surpris des résultats. «La main invisible d'Adam Smith est là, dit-il, c'est la même rationalité économique qui guide les comportements.»

Il y a plus d'hommes que de femmes à recherche de l'âme soeur sur RéseauContact. Les hommes riches sont proportionnellement plus nombreux que les femmes riches.

Les hommes et les femmes qui fréquentent le site sont plus instruits que la moyenne de la population, a constaté l'économiste en se fiant aux informations divulguées par les personnes inscrites.

Ça s'explique par le fait que les hommes ont généralement un salaire plus élevé que les femmes et que les personnes les plus instruites ont généralement un salaire plus élevé. Leur temps coûte plus cher.

«Les personnes dont le salaire est élevé seront portées à trouver des moyens qui exigent moins de temps pour obtenir le même résultat», précise-t-il.

L'offre et la demande

Comme les hommes sont plus nombreux que les femmes, ils doivent passer plus de temps à la recherche de l'âme soeur.

C'est ce qui s'est produit dans l'échantillon observé, alors que les hommes se disant à l'aise financièrement passaient 22 minutes par séance sur le site, comparativement à 19 minutes pour les femmes du même groupe.

Même scénario pour les hommes à la situation financière moyenne, qui passaient 23 minutes par séance sur le site, comparativement à 21 pour les femmes.

C'est l'application de la loi de l'offre et de la demande. Plus nombreux, les hommes doivent se différencier pour être remarqués.

Ils sont ainsi plus nombreux que les femmes à payer pour devenir «membres privilèges» de Réseau Contact, soit 22% paar rapport à 11%.

Les membres privilèges peuvent envoyer des messages personnalisés et donc mieux présenter leur «produit» aux acheteurs potentiels.

Pour avoir du succès sur RéseauContact, il faut aussi être crédible. C'est la principale fonction de la photo qui accompagne la description de la personne et que les économistes appellent le signalement, et qui a valu le prix Nobel d'économie à Michael Spence en 2001.

«La présence d'une photo semble encourager la véracité des informations du profil», a constaté Mathieu Laberge.

Il a découvert par exemple que 50% des hommes sans photo se déclarent en bonne condition physique mais que cette proportion tombe à 44% chez les hommes avec photo.

Chez les femmes, c'est la question du poids qui est sensible, alors que 29% des femmes sans photo se disent minces, mais seulement 23% des femmes avec photo.

En examinant l'âge des membres du site de rencontre, l'économiste a découvert une autre illustration de comportement rationnel, qui s'explique cette fois par la théorie de l'évolution.

Selon cette théorie, les hommes valoriseraient la variété chez leurs partenaires sexuels afin de maximiser leur potentiel de reproduction alors que les femmes favoriseraient la stabilité et la qualité de leurs partenaires pour assurer la sécurité de leur progéniture.

L'échantillon observé par Mathieu Laberge tend à confirmer cette théorie. Les femmes préfèrent les hommes plus vieux et les hommes préfèrent les femmes plus jeunes, pour des raisons qui sont les mêmes depuis la nuit des temps.

Ainsi, les femmes de 26 à 35 ans reçoivent plus de messages que les hommes du même groupe d'âge, qui sont pourtant plus nombreux.

La demande pour les hommes de 55 ans et plus, telle que mesurée par le nombre de messages reçus, est aussi plus importante que pour les femmes du même groupe d'âge.

Les hommes de 55 ans et plus sont beaucoup moins nombreux sur le site, ce qui illustre aussi que la rareté est payante.

«On ne peut réduire l'humain à un modèle économique, mais on ne peut pas non plus restreindre la science économique aux chiffres», souligne l'économiste qui s'intéresse maintenant au poker. À suivre.