Sexe, drogue et rock'n'roll : les sujets de prédilection des Montréalais derrière le magazine Vice n'ont pas toujours volé plus haut qu'un saut de planche à roulettes.

Sexe, drogue et rock'n'roll : les sujets de prédilection des Montréalais derrière le magazine Vice n'ont pas toujours volé plus haut qu'un saut de planche à roulettes.

Ce qui ne l'a pas empêché de devenir une multinationale fleurissante. Aujourd'hui, les «jackass» du journalisme font aussi dans la télévision sur internet et les sujets sérieux.

Shane Smith n'a rien d'un journaliste radio-canadien. Le cofondateur de Vice est barbu, tatoué et rarement coiffé devant la caméra. Mieux, dans un de ses reportages au Japon, on peut voir son arrière-train aller et venir entre les jambes d'une poupée de latex dans un bordel de Tokyo. Son verdict?

«Ce n'est pas fantastique, mais ce n'est pas mal. C'est correct. C'est mon reportage préféré, s'esclaffe Andrew Creighton, responsable des éditions européennes de Vice. C'est juste trop drôle.»

Sexe, provocation et rires gras : la recette de ce reportage diffusé sur VBS, la WebTV de Vice, contient la plupart des ingrédients qui ont fait le succès du magazine gratuit depuis son lancement à Montréal en 1994.

La recette a si bien fonctionné que Vice est désormais une multinationale qui est établie à New York et possède des bureaux dans 15 pays, dont le Japon, l'Allemagne et l'Australie.

Après avoir créé une collection de vêtements, un label de musique et acheté un pub à Londres, Vice a lancé en février une télévision sur l'internet. Surprise : VBS (pour Vice Broadcasting System) est intéressante. Sans renier le côté pipi-caca-poil-hip-et-ironique qui a fait le succès de Vice, VBS propose également un contenu qu'on peut qualifier d'intelligent sans pouffer de rire.

Outre des émissions sur la musique et la planche à roulettes VBS présente d'intriguants reportages sur le pétrole du Soudan, le marché des armes au Pakistan ou la scopolamine en Colombie (une drogue ultra-dangereuse). Il y a aussi d'excellentes entrevues avec des artistes en arts visuels, des musiciens et... des modèles nues.

Vice propose du contenu «sérieux»? La question fait sourire Andrew Creighton. L'initiateur de la version britannique du magazine est parfaitement conscient que Vice s'est attiré avec les années une réputation de superficialité tout juste bonne à titiller les ados boutonneux.

Perdre son âme

Le barbu reconnaît sans difficulté que le magazine s'est quelque peu perdu en chemin avec le succès. Les dirigeants de Vice «ont peut-être passé un peu trop de temps dans les partys, à boire et à faire de la coke avec des mannequins», explique-t-il en riant.

«Au départ, lorsque le magazine n'était publié qu'à 15 000 exemplaires, nous n'avions pas la même responsabilité que nous avons aujourd'hui. Nous imprimons un million de copies et avons des millions de visiteurs sur le site Web, poursuit-il en sirotant une pinte de bière. On ne peut pas se contenter de ne parler que de mode ou de faire des blagues. Ce serait manquer de respect envers notre public.» Selon lui, l'équipe est revenue à l'idée originale : proposer un contenu réellement alternatif. «Il était temps d'avoir un meilleur équilibre», admet-il. Mais, évidemment, ce n'est pas parce que VBS fait dans les sujets dits sérieux qu'il le fait d'une manière sérieuse.

En jean et baskets, les journalistes sacrent et rient en présentant leurs découvertes. «On est des gars sans prétention, on a une approche un peu naïve, rafraîchissante», croit Ryan Duffy, qui travaille pour Vice et VBS. La caméra est branlante, le ton, résolument cool. C'est comme si des amis partageaient leurs trouvailles.

«On est tous des jeunes à peu près du même âge, qui partagent les mêmes intérêts», explique le journaliste qui chante également dans un groupe punk-rock de Brooklyn.

Bien qu'ils disent ne pas se prendre au sérieux, les gens de Vice ont tout de même des grosses ambitions pour leur télévision sur l'internet. Ils ont notamment recruté Spike Jonze (Being John Malkovich) comme directeur créatif.

Andrew Creighton espère bien que VBS et son approche «jackass rencontre 60 Minutes» vont séduire un maximum de jeunes qui délaissent de plus en plus la télé pour l'internet.

Les fans adorent

Qu'en pensent les principaux intéressés? Pour l'instant, la WebTV reste méconnue. Même les lecteurs de Vice rencontrés au pub londonien appartenant au magazine ne connaissent pas nécessairement l'existence de VBS. Ceux qui l'ont regardée semblent l'avoir adoptée.

Keith MacArthur est déjà un fan. «J'aime les sujets qu'ils choisissent et la manière dont ils les traitent. Pour moi, c'est certainement plus intéressant que la télé», explique le blond de 22 ans.

Son émissions favorite ? Epicly Later'd, sur la planche à roulettes. Il n'est pas le seul. Contenu «sérieux» ou pas, les émissions les plus populaires de VBS restent encore celles sur la planche à roulettes et les filles à poil. Il y a des recettes qui ne changent pas.

Aussi:

www.vbs.tv