Dans un contexte de verrouillage du paysage audiovisuel par les autorités en Russie, opposants et partisans du président Vladimir Poutine s'affrontent par sites et blogues interposés sur Internet, devenu le champ de bataille - virtuel - d'une campagne politique atone.

Dans un contexte de verrouillage du paysage audiovisuel par les autorités en Russie, opposants et partisans du président Vladimir Poutine s'affrontent par sites et blogues interposés sur Internet, devenu le champ de bataille - virtuel - d'une campagne politique atone.

Où ailleurs que sur le net voir ces images de jeunes opposants «s'immolant» devant le Kremlin ? Ou ce clip d'un groupe de reggae de Vladivostok tournant en dérision le «plan Poutine» vanté par le pouvoir à l'approche des législatives du 2 décembre?

«Internet est notre dernier bastion, le dernier lieu de communication libre», explique à l'AFP Ilia Iachine, chef du mouvement de jeunesse du parti réformateur Iabloko, organisateur de la - fausse - immolation en face du Kremlin, diffusée sur le site de blogues Livejournal, très populaire en Russie.

Les mouvements de jeunes des partis de l'opposition classique Iabloko ou SPS investissent de plus en plus cet espace à l'approche des législatives.

«Et les blogues individuels sont très politisés, notamment sur Livejournal», se félicite Ilia Iachine.

Le blogue de Maria Gaïdar (m-gaidar.livejournal.com), candidate de SPS aux législatives, se détache du lot.

S'y succèdent des clips moquant par exemple le dernier congrès du parti du pouvoir Russie unie, avec des images d'archives des grand-messes de l'époque soviétique s'intercalant entre les séquences - en noir et blanc - du congrès.

«Dans notre pays, il y a des changements», conclut Maria Gaïdar en fin de clip, moquant les promesses de stabilité du parti au pouvoir.

«La liberté d'expression est étouffée, l'espace politique est monopolisé par le parti du pouvoir», poursuit-elle dans ce petit film réalisé sur la rive de la Moskova opposée au Kremlin.

Internet est aussi utilisé par l'opposition pour appeler à manifester, comme pour les Marches du désaccord prévues ce week-end à Moscou et Saint-Pétersbourg. Ou pour dénoncer la saisie de ses tracts, raconter les entraves posées par les autorités à ses demandes de location de salles de meetings.

À tel point que les autorités ont bien compris le risque de ce déplacement de la lutte politique sur internet, un espace qu'il tente d'occuper, pour tenter de séduire des internautes russes, essentiellement de jeunes urbains qui regardent peu la télévision.

Se sont ainsi multipliés les sites pro-Poutine, comme Russia.ru et zaputina.ru, tout deux pilotés par un jeune spécialiste d'internet ayant rejoint les rangs de Russie unie, Konstantin Rykov.

Ila Iachine, de Iabloko, a annoncé mardi avoir porté plainte devant la Commission électorale centrale contre zaputina.ru, qui diffuse un clip de soutien à M. Poutine sans dire que Russie unie le finance, ce qui est contraire à la législation électorale. M. Rykov n'a pas souhaité répondre à l'AFP.

Sur son site zaputina.ru, ouvert pour le tout nouveau mouvement Pour Poutine, un clip intitulé «Les aventures de Vladimir Poutine» montre le président en héros humain, torse nu lors d'une parti de pêche dans l'Extrême Orient russe ou servant le thé.

Le site appelle aussi à répondre en ligne que l'on est «Pour Poutine» ou à ajouter sa photo au côté de toutes celles de ses partisans anonymes.

L'habillage est moderne, avec montage et musique rapides. Mais le fond de ce site est surprenant, mêlant la promotion d'un site de rencontres amoureuses à une interview du président de la Commission électorale centrale.

Ilia Iachine dit ne pas craindre ces tentatives des autorités d'occuper internet, ce «bastion» de l'opposition.

«De toute façon, seule une minorité a accès à Internet en Russie aujourd'hui et les blogues ne permettent pas encore de former une opinion publique alternative au niveau national» face à la télévision, reconnaît-il.

Selon une étude de l'institut de sondage FOM (proche des autorités) réalisée cet été, 24% des Russes ont accès à Internet.