Mardi dernier à Toronto, quatre organisations de l'industrie canadienne de la musique ont exhorté le gouvernement fédéral à réformer la Loi sur le droit d'auteur. À l'approche du discours du Trône, l'industrie du disque crie à l'urgence.

Mardi dernier à Toronto, quatre organisations de l'industrie canadienne de la musique ont exhorté le gouvernement fédéral à réformer la Loi sur le droit d'auteur. À l'approche du discours du Trône, l'industrie du disque crie à l'urgence.

Mis de l'avant par le gouvernement libéral de Paul Martin, le projet de loi C-60 préconisait une adaptation du droit d'auteur à la manière des lois américaine, australienne ou française, toutes en phase avec les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) adoptés en 1996. Le projet de loi C-60 n'a été ni repris ni modifié par le gouvernement minoritaire conservateur de Stephen Harper.

C'est pourquoi la Canadian Independent Record Production Association (CIRPA), la Canadian Music Publishers Association (CMPA), la Canadian Recording Industry Association (CRIA) et le Music Managers Forum (MMF) font cause commune afin qu'Ottawa passe aux actes.

«Notre position diffère parfois des multinationales, sur la question de la copie privée, notamment. Mais nous avons sensiblement le même point de vue sur le piratage. Lorsqu'on viole le droit d'auteur en partageant sans autorisation la musique sur internet et en la reproduisant dans les baladeurs numériques, toute l'industrie de la musique s'entend pour conclure à l'acte de piratage», explique Duncan McKie, président et directeur général de la CIRPA qui représente des labels indépendants tels Justin Time (Oliver Jones, Coral Egan, etc.), Nettwerk (Sarah McLachlan, Avril Lavigne, etc.) ou Arts & Craft (Feist, Broken Social Scene, etc.).

«Bien sûr, nuance McKie, lorsqu'un artiste décide de diffuser gratuitement son travail pour le faire connaître dans le cadre d'une opération promotionnelle, c'est son droit. Mais lorsque nos membres veulent faire respecter leur droit d'auteur et que ce droit est violé, il s'agit bel et bien de piratage.»

Reste à savoir de quelle manière le droit d'auteur doit être actualisé. L'actuelle loi canadienne, estime le président de la CIRPA, comporte des carences qui permettent, grosso modo, la prolifération de sites illégaux et restreignent les créateurs (surtout leurs éditeurs et leurs producteurs) dans leur pouvoir de faire respecter leur droit exclusif d'autoriser la diffusion, la reproduction ou le partage de leur travail.

Un frein à l'investissement

«Au Canada, soulève-t-il, une grande confusion règne sur la notion d'utilisation des contenus numérisés de création. Certains observateurs considèrent que le baladeur numérique favorise l'infraction au droit d'auteur alors que d'autres, comme le juriste Michael Geist, s'opposent à une redevance sur les baladeurs numériques (régime de copie privée) et préfèrent exempter les téléchargeurs d'une infraction au droit d'auteur.»

Qui plus est, Duncan McKie voit dans la fragilité du droit d'auteur un frein à l'investissement étranger. «Prenons la production cinématographique: au cours des 12 derniers mois en Ontario, on observe un déclin substantiel de l'investissement comparativement aux cinq années précédentes. Personnellement, je suis certain qu'il y a un lien direct entre ce déclin et la faiblesse de notre loi sur le droit d'auteur - quand, par exemple, on sait qu'un fort pourcentage des films piratés en circulation provient de chez nous. Nous devons donc assurer à nos partenaires étrangers le respect de la propriété intellectuelle au Canada. Je crois en ce sens qu'il est urgent de clarifier la nature des nouvelles protections pour les créateurs.»

Pour le président de la CIRPA, la loi actualisée sur le droit d'auteur doit comporter des mesures plus précises de son application dans différents contextes de l'environnement numérique.

«L'intention n'est pas d'inciter les étiquettes de disques à poursuivre les consommateurs, il s'agit plutôt d'assurer que chaque titulaire de ce droit puisse réclamer des compensations en ayant établi clairement l'illégalité de la pratique du téléchargement non autorisé.»

Une pratique incontournable

Voilà donc où est rendue l'industrie de la musique au Canada (anglais, à tout le moins): elle désire renforcer le concept d'illégalité du partage des fichiers numérisés sur internet pour ainsi créer des mesures d'application plus claires du droit d'auteur, voire plus sévères. Ce qui devrait probablement se produire tôt ou tard après les prochaines élections fédérales.

Paradoxal? Que oui.

Pourquoi, au fait, renforcer cette idée d'illégalité d'une pratique désormais incontournable plutôt que de l'admettre et de voir autrement le droit d'auteur dans un environnement numérique? Pourquoi une nouvelle loi sur le droit d'auteur ne légaliserait pas le partage des fichiers tout en imposant une batterie de redevances prélevées dans toute la chaîne de la nouvelle économie, soit du consommateur au fabricant d'outils numériques en passant par le fournisseur d'accès et de services internet? En quoi le droit d'auteur serait-il alors affaibli?

L'industrie de la musique devrait y réfléchir.