J'ai découvert le Cannibale des Têtes à claques il y a plus d'un mois. Je ne craque pas à tout coup sur leurs nouveaux sketches mais celui-là m'a fait rigoler spontanément et sans arrière -pensée. J'étais ravie de retrouver Monique et son caractère de chien amplifié par un safari africain calamiteux qui l'a précipitée dans la marmite d'un cannibale.

J'ai découvert le Cannibale des Têtes à claques il y a plus d'un mois. Je ne craque pas à tout coup sur leurs nouveaux sketches mais celui-là m'a fait rigoler spontanément et sans arrière -pensée. J'étais ravie de retrouver Monique et son caractère de chien amplifié par un safari africain calamiteux qui l'a précipitée dans la marmite d'un cannibale.

J'espère n'offenser personne en affirmant que j'ai trouvé le cannibale franchement mignon et particulièrement touchant quand il saisit que Monique est en train de saboter son ragoût en pissant dedans. En même temps, je n'ai pas compris pourquoi Monique l'appelait Kunta Kinté, un nom qui ne me disait rien.

Si la beauté est dans l'oeil de celui qui regarde, le racisme doit l'être aussi. Comme je ne crois pas être quelqu'un de raciste, j'ai vu de l'urine et non pas du racisme suinter de la marmite du cannibale. Mais lorsque l'organisme Québec Pluriel s'est précipité sur la place publique pour dénoncer ce sketch, en lui reprochant de profaner la mémoire de ce grand héros noir qu'est Kunta Kinté, j'ai décidé de regarder les choses autrement, sans le filtre de l'humour.

J'ai constaté que le sketch du cannibale est le premier sketch des Têtes à claques mettant en scène un Noir. Ce n'est pas un reproche, encore que, face à ce précédent, Michel Beaudet et sa bande auraient pu être un brin prudents, au lieu de sauter à pieds joints dans le pire cliché de tous : le Noir cannibale.

Si les Têtes à claques tenaient tant à mettre en scène un cannibale, pourquoi ne pas inviter Hannibal Lecter ou même Jeffrey Dahmer dans leur sketch. Avec ces deux-là, il n'y avait aucun danger que l'organisme Québec Cannibale voie le jour et leur demande des excuses publiques.

De la même manière, pourquoi forcément associer le cannibalisme à l'Afrique alors que cette pratique barbare existe depuis le début de l'humanité, dans tous les coins du monde, y compris ici du temps des Iroquois, comme on peut le voir dans Astataïon ou Le Festin des morts de Fernand Dansereau.

Dernier point et non le moindre : Kunta Kinté. Je conçois mal que dans un accès de colère pourtant justifié, Monique choisisse d'insulter le cannibale en l'appelant avec dérision Kunta Kinté, c'est-à-dire en lui donnant le nom d'un héros, symbole de la lutte contre l'esclavage. Quand tu veux insulter un Noir, tu ne le traites pas de Martin Luther King. Tu le traites d'Idi Amin Dada. Monique, où avais-tu la tête?

Bref, tout cela pour dire que les Têtes à claques n'ont pas été très brillants. Ils se sont attirés un paquet de problèmes pour une blague qu'ils auraient pu aisément rendre plus digeste (pardonnez l'expression) en y réfléchissant un peu.

De l'autre côté, permettez-moi de m'interroger sur l'apparition subite et un brin opportuniste de Québec Pluriel, un organisme fondé par Lydie Olga Ntap et cautionné par son mari, l'ex-numéro deux de la Caisse de dépôt, Michel Nadeau. J'ai beaucoup de respect pour Nadeau, l'économiste. Un peu moins pour Nadeau, le critique d'humour, dont le seul argument est que si un groupe de Toronto tournait en ridicule René Lévesque, les Québécois ne la trouveraient pas drôle.

J'aimerais rappeler à mon ex-collègue Nadeau que les groupes de Toronto se moquent régulièrement des Québécois et de leurs héros politiques dans des émissions comme Rick Mercer Report, This Hour Has 22 Minutes et Royal Air Farce. Puisque ces émissions sont diffusées par la CBC, cela veut dire qu'en plus de se foutre de notre gueule, ils le font avec une partie de nos impôts sans que cela nous empêche de dormir.

J'aimerais également rappeler à mon distingué ex-collègue que l'humour est un excellent tremplin pour mesurer la maturité d'un peuple. C'est aussi l'instrument tout indiqué pour apprendre à rire de soi avec les autres et pour se libérer de ses tabous, quels qu'ils soient.

J'aimerais enfin rappeler à Nadeau que le monde des Têtes à claques est un monde absurde et loufoque, sans prise avec le réel, où les chiens sacrent comme des charretiers, où les pilotes d'avion voient des terroristes dans leur boîte de jus de raisin, où les mercenaires sont des vendeurs d'épluche patates et où les enfants sont vénaux, totalitaires et bouffent trop de Pop Tarts pour leur santé.

S'il faut que chacun de leurs sketchs soit scruté à la loupe par un bataillon d'avocats de manière à ce que les chiens, les orignaux, les pilotes d'avion, les enfants et les vendeurs d'épluches-patates ne se sentent pas offensés, on n'est pas sorti de l'auberge.

Ce qui fait le charme, la drôlerie et le succès des Têtes à claques, c'est les libertés qu'ils prennent au nom d'un humour apolitique qui est, en même temps, la réaffirmation d'un combat de tous les jours, contre l'étau de la rectitude politique. Leur refuser cette liberté-là, c'est condamner leur imagination à une forme de sclérose sinon d'esclavage. Est-ce vraiment ce que veut Québec Pluriel?

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