À beau mentir... qui écrit de loin. C'est souvent avec l'impression qu'ils vont se faire rouler que les internautes commencent à chatter. Pourtant, rares sont ceux qui portent un masque ; en général, les gens tendent à se dévoiler très intimement, parfois même jusqu'à en apprendre plus... sur eux-mêmes.

À beau mentir... qui écrit de loin. C'est souvent avec l'impression qu'ils vont se faire rouler que les internautes commencent à chatter. Pourtant, rares sont ceux qui portent un masque ; en général, les gens tendent à se dévoiler très intimement, parfois même jusqu'à en apprendre plus... sur eux-mêmes.

Professeure au département de sociologie de l'Université Laval, Madeleine Pastinelli a étudié pendant deux ans les relations dans un canal de chat. Ses conclusions, tirées de ses observations et d'entrevues avec des internautes, sont exposées dans le livre Des souris, des hommes et des femmes au village global : Parole, pratiques identitaires et lien social dans un espace de bavardage électronique lancé sous peu.

Elle a pu constater que les gens qui clavardent sont généralement très sincères. Ceux qui en sont à leurs premières expériences à un canal de bavardage seraient plus enclins que les habitués à se livrer en long et en large.

«Ils vont s'investir très longuement et très intimement, avec le sentiment de vivre une complicité et une proximité avec l'autre beaucoup plus grande que ce qu'ils pourraient connaître dans d'autres contextes», remarque l'ethnologue. Ils indiquent aussi qu'ils se découvrent à travers ces échanges. Cela tiendrait surtout au fait que l'on doit se raconter beaucoup, car on s'entretient avec quelqu'un qui ne connaît rien de nous. Il est aussi parfois plus facile de se confier à un inconnu.

Plus authentiques ?

Les internautes ont même le sentiment d'être plus authentiques. Mais pour Mme Pastinelli, ce ne serait qu'une impression. «Je ne pense pas qu'ils sont plus ou moins eux-mêmes.»

Les gens changent toujours selon les contextes, ils empruntent différents rôles (l'employé, l'amant, l'ami, le fils), et la somme de toutes ses facettes compose l'identité, explique-t-elle. Mais ils sont toujours la même personne. Et même si, lorsqu'ils chattent, ils peuvent avoir l'impression de ne pas jouer de jeu, ils restent qu'ils sont encore en représentation : ils désirent toujours plaire, se montrer sous leur meilleur jour, surtout lorsqu'il y a un rapport de séduction entre les interlocuteurs.

L'union fait la force

Les internautes créent des liens entre eux sur les canaux de bavardage. Mais tout le monde n'est pas nécessairement bienvenu.

Lorsqu'un nouvel arrivant sur le canal de bavardage est jugé indésirable, certains peuvent s'unir pour l'exclure, a constaté la professeure de sociologie Madeleine Pastinelli.

«Ils se mettent à plusieurs - et toujours à plusieurs - et vont faire marcher cette personne», explique-t-elle. Si par exemple un nouveau participant ne cherche qu'à avoir des discussions déplacées ou vulgaires avec les femmes du réseau, il se peut qu'un des hommes s'amuse à prétendre être une jeune femme.

Tous les autres, qui sont au courant de la supercherie, embarquent aussi dans le jeu. Et l'homme finit par quitter le canal, penaud.

Clavarder... avec les gens d'à côté

Si Internet nous permet d'entrer en contact avec des personnes aux quatre coins du monde, les gens qui clavardent ont plutôt tendance à se lier avec des internautes qui habitent la porte à côté.

Pourquoi ? Simplement parce qu'ils sont plus faciles à rencontrer en chair et en os. À la fin des années 90, les gens clavardaient surtout avec des internautes qui ne venaient pas de leur ville, ou même de leur pays.

Une façon de faire qui s'expliquait entre autres par le nombre réduit d'utilisateurs d'Internet, indique Madeleine Pastinelli, professeure au département de sociologie de l'Université Laval.

«À mesure que l'accès Internet s'est démocratisé, les espaces de bavardage se sont localisés géographiquement de façon plus étroite», dit-elle. Le bassin d'interlocuteurs s'étant élargi, et il est plus aisé de trouver ceux qui correspondent à nos critères, à nos intérêts, tout en étant situés moins loin dans l'espace.

Ainsi, les ados de Beauport tissent des liens avec d'autres ados du même quartier, qu'ils peuvent rencontrer plus facilement. Car c'est cela l'objectif ultime : passer de l'univers virtuel au monde réel.