Malgré le contrôle renforcé des autorités sur l'Internet, les parodies de films et de chansons ont fleuri ces dernières années en Chine sur la toile, donnant naissance à un genre particulier, l'«egao».

Malgré le contrôle renforcé des autorités sur l'Internet, les parodies de films et de chansons ont fleuri ces dernières années en Chine sur la toile, donnant naissance à un genre particulier, l'«egao».

Le phénomène est tellement récent qu'aucun dictionnaire ne donne encore la définition d'«egao», mot composé des caractères «féroce» et «se moquer».

À son corps défendant, Hu Ge, ancien professeur de musique, est un des plus illustres représentants de ces nouveaux histrions du Web.

«J'ai juste utilisé Internet parce que c'était le seul moyen de sortir mes films», explique-t-il.

Stores tirés en plein après-midi, le jeune trentenaire monte ses vidéos dans son petit pavillon de la banlieue shanghaienne. Son mobilier se résume à quelques étagères et un bureau massif encombré d'écrans, d'enceintes, de câbles et disques durs.

«L'Internet est devenu un des pans les plus importants de la nouvelle culture chinoise, pour les jeunes générations. Il n'existe pas tant de moyens que ça pour communiquer», résume ce fan de Matrix.

Hu Ge est devenu célèbre en 2005 après la sortie de son court métrage «La tragédie provoquée par un petit pain à la vapeur», qui tournait en ridicule la superproduction de Chen Kaige «La Promesse».

Le film à grand spectacle, assassiné par la critique et une large partie du public chinois déçus, a d'autant plus fait rire dans sa version burlesque, à tel point que le célèbre réalisateur avait même évoqué des poursuites en justice.

Depuis, l'histrion continue ses réalisations. Avec un petit appui financier de 6rooms.com - équivalent d'un YouTube chinois - et un système D de chaque instant, Hu continue de vivre de ses petits films.

«Les acteurs sont des amis ou des amis d'amis. Je ne gagne pas beaucoup mais assez pour vivre», résume-t-il, philosophe, en attendant que des projets plus concrets se débloquent.

Son dernier film, sorti en janvier, ne dément pas sa popularité sur le web. «007 contre l'Homme en noir», qui évoque un royaume imaginaire ressemblant fortement à la Corée du Nord de Kim Jong-il, a déjà totalisé plus de 10 millions de spectateurs sur 6rooms.com, sans compter les reprises sur d'autres sites.

Hu Ge n'est pas seul. Les Back Dormitory Boys, parodie du groupe américain Back Street Boys, ont acquis leur notoriété depuis leur chambre d'étudiants de l'école des Beaux-Arts de la province du Guangdong (sud). Huang Yixin et Wei Wei ont posé une webcam sur leur bureau devant laquelle ils avaient pris l'habitude de parodier des tubes de variété.

Ils auraient récemment signé un contrat de cinq ans avec l'agence pékinoise Taihe Rye Music, selon le China Daily.

La figure d'un stagiaire pompiste, surnommé Xiaopang (littéralement «petit gros») a elle aussi agité la toile, au gré des montages photo qui la collaient sur toutes les affiches de films hollywoodiens en remplacement de Leonardo di Caprio et autres stars. Récemment «Xiaopang» est devenu une vedette, multipliant les interviews aux médias nationaux et étrangers.

Pour Gu Jun, professeur de sociologie à l'Université de Shanghai, «l'egao correspond à un nouveau style de vie pour les jeunes. C'est la seule façon qu'ils ont de s'exprimer. Et les blogs répondent à cette même définition. C'est un nouveau moyen d'expression qui permet aux jeunes Chinois d'atteindre le plus large public possible».

Face à la montée de l'utilisation de l'Internet, les autorités n'ont pas d'autres choix que d'ouvrir le réseau, tout en resserrant paradoxalement les contrôles.

«Les blogues permettent aux gens d'exprimer leurs idées mais aussi de les tester. Ils ont un impact fondamental sur le développement de la démocratie et de la société civile», résume Xia Xueluan, professeur de sociologie à l'Université de Pékin.