Dans une métropole de huit millions d'habitants, on trouve toujours quelqu'un en train de dire quelque chose de bizarre à quelqu'un d'autre, et toujours une tierce personne pour l'entendre au passage...

Dans une métropole de huit millions d'habitants, on trouve toujours quelqu'un en train de dire quelque chose de bizarre à quelqu'un d'autre, et toujours une tierce personne pour l'entendre au passage...

C'est cette mission toute simple, recueillir ces échanges insolites ou absurdes et les répertorier, que s'est fixée le site Internet «Overheard in New York» («Entendu à New York»). Fort de son succès, le concept s'est décliné en livre, sorti en janvier 2006, et s'est exporté dans plusieurs autres villes.

Nairobi, Dublin, Bucarest, Philadelphie ont emboîté le pas à la Grosse Pomme, même si certains sites «Overheard» ne sont que des blogs personnels. Et aucun ne jouit de la même popularité que celui de New York, qui offre la possibilité aux visiteurs de voter pour la meilleure citation et de participer au concours de la meilleure phrase.

«Overhead in New York» a également vu naître deux petites soeurs locales: «Overhead at the beach» (Entendu à la plage) et «Overhead at the Office» (Entendu au bureau).

Le site est un florilège de bêtises, folies incongrues et autres bizarreries piochées au hasard des coins de rues ou de métro.

Comme cet homme dans le métro déclarant: «De nos jours, il n'est pas sans danger pour un enfant d'être porté disparu». Ou cette femme accrochée à son portable: «franchement, je préférerais encore être en train de faire du pole-dancing (danse lascive autour d'une barre)». Et on vous épargne les pires...

Chaque mois, pas moins de quatre millions de personnes -essentiellement des gens qui ne vivent pas à New York- se rendent sur ce site pour y découvrir ses perles. Son contenu insolent, voyeur et souvent vulgaire, conjugué à la réputation et à la diversité de la «ville qui ne dort jamais» ont fait la popularité du site, explique Morgan Friedman, son fondateur-éditeur.

«C'est vraiment une lettre d'amour à New York,» affirme-t-il.

Tout a commencé il y a trois ans, quand Friedman a surpris une conversation téléphonique d'un homme, pendu à son portable: «Tu me demandes comment je vais, je te le dis, mais tout de suite, tu ramènes la conversation à toi. Tu fais tout le temps ça», disait-il.

«J'ai entendu ça, je me suis dit que c'était tellement drôle, que ça ressemblait tellement à toutes les relations que j'ai pu avoir, que quelqu'un devait créer un site Internet pour capturer ces moments», ajoute Morgan Friedman.

Ce site attire de fait les personnes friandes de potins sur la vie des autres et qui fréquentent les journaux intimes de MySpace ou YouTube, le site de partage vidéo, estime Larry Rosen, professeur de psychologie à l'Université d'Etat de Californie à Dominguez Hills.

«Overheard in New York» vit de ses recettes publicitaires mais ne fait pour l'instant aucun bénéfice, selon son fondateur.

Le site utilise les histoires croustillantes et phrases hallucinantes envoyées par les internautes, et met ses «espions» favoris à l'honneur en mettant en ligne une petite fiche sur eux. A moins d'être une célébrité, les personnes citées sont généralement protégées par des pseudonymes génériques tels «Homme», «Femme», «conducteur de bus», «végétarien» ou le toujours très prisé «vagabond».

Nombre de ces phrases semblent trop effarantes pour être authentiques, comme celle du touriste qui dit à sa fille: «Tu vois cet homme là-bas? Tu vois comme sa couleur de peau est différente de la tienne? On peut voir ça parfois dans les grandes villes».

Les éditeurs affirment tout faire pour repérer les «faux». N'est-ce pas inventé de toutes pièces? N'est-ce pas une de ces légendes urbaines colportées par le Web? Cela ne rappelle-t-il pas une histoire entendue il y a des années?

Danielle Lindemann, une des éditrices du site, également étudiante en sociologie, note que «l'invraisemblance apparente ne veut pas nécessairement dire que cela soit inventé».

Une grande partie de ces petites phrases a trait aux différences sociales et raciales. On y trouve déclinées sous toutes leurs variantes la rencontre entre le SDF et le «Golden Boy», entre l'adolescent noir et la femme blanche...

Et la profondeur de certains propos peut parfois s'avérer plutôt ésotérique:

Fille n1 : Les anarchistes sont tellement stupides.

Fille n2 : Ouais, vraiment.

Fille n3 : Ce n'est pas parce qu'on déteste le gouvernement qu'on est obligé de mal s'habiller...