Les entreprises veulent toutes leurs blogues, fascinées par l'explosion sociétale de ce nouveau support d'information. Pour autant, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation et prendre les internautes pour des imbéciles.

Les entreprises veulent toutes leurs blogues, fascinées par l'explosion sociétale de ce nouveau support d'information. Pour autant, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation et prendre les internautes pour des imbéciles.

Il y a dix ans, toutes entreprises faisaient des pieds et des mains pour se faire une place sur le Web. Aujourd'hui, le mot blogue est sur toutes les bouches et devient de plus en plus un axe stratégique pour les grandes entreprises qui voient le nombre de blogueurs exploser, tandis que les médias ne cessent d'en parler.

Il faut dire que le blogue est un véritable phénomène de société. Notamment en France. Selon Médiamétrie, trois internautes sur quatre connaissent ce nouveau support d'information et d'échanges. Et selon Loïck Le Meur, directeur général Europe de Six Appart, éditeur de logiciels de weblogues, on compte cinq millions de blogueurs en France ce qui fait de notre pays, le deuxième marché mondial du blogue !

Pourquoi un tel succès ? Selon Peter Eckerlin, chief deputy quality management chez Seekport (un moteur de recherche notamment spécialisé dans les blogues), l'exemple français est unique. «En Europe du Nord, ou en Allemagne, le phénomène est beaucoup moins important, peut-être parce que la presse y est plus influente ?», a-t-il souligné lors d'une table ronde organisée par l'éditeur.

Pour Loïc Le Meur, les raisons sont avant tout culturelles. «Depuis la Révolution, les Français adorent s'exprimer, râler, faire connaître leurs opinions et le blogue peut être une fantastique chambre d'écho. D'autant plus que nous sommes très égocentriques!»

Mais pour le patron de Six Appart, le décalage de la presse traditionnelle, voire sa faiblesse, est aussi à prendre en compte: «Les journaux n'ont plus cette vocation de discussion alors que les Français ont le désir de s'exprimer». Un point de vue partagé par le journaliste Laurent Dupin qui anime notamment une dizaine de blogues chez nos confrères de ZDNet.fr. «La presse d'opinion est certainement devenue trop élitiste, et ces journaux ferment le débat, les gens ne s'y retrouvent plus».

Jouer la transparence plutôt que la présence

Qu'il s'agisse d'un phénomène de société ou de mode, les blogues ont bel et bien rempli un espace important au sein des communautés d'internautes. Mais pour une entreprise, le passage à l'acte peut être difficile, voire dangereux.

Les grandes marques ont ainsi vite décidé d'employer le blogue comme outil marketing afin de créer du buzz autour de produits. Mais est-ce là la vocation du blogue ? Elles estiment qu'il faut y aller, même pour les mauvaises raisons, soulignent les observateurs.

Et certaines s'en mordent les doigts. De vrais faux blogues, qui en réalité, lorsqu'on creuse un peu la question, font la promotion d'une marque, sont vite repérés par les internautes qui alors sont sans pitié. «Les marques avancent masquées», souligne Loïck Le Meur. Et le résultat est catastrophique: non seulement l'image de marque est écornée mais la méfiance grandit.

On retiendra un vrai faux blogue, avec les témoignages d'une certaine Claire, qui en réalité avait été réalisé pour promouvoir une nouvelle crème de la marque Vichy. Il a été descendu en flammes par les internautes qui ont vite repéré l'arnaque. Et l'Oréal a très vite dû revoir sa copie.

Ainsi, les internautes se méfient de plus en plus des blogues corporatifs, et même ceux qui annoncent clairement la couleur, car les entreprises, la plupart du temps, veulent le beurre et l'argent du beurre.

Attention aux faux blogues

Ouvrir un blogue, oui ; accepter la critique, c'est plus problématique. Or quel est l'intérêt d'un blogue si ce n'est d'échanger des avis, parfois cassants. «Il vaut mieux qu'une entreprise fasse parler d'elle que pas du tout», rappelle le DG de Six Appart.

Un constat partagé par Morgane Castanier, responsable marketing d'Ipso Presto, un site de commerce en ligne à destination des entreprises. «Les entreprises doivent accepter la critique, c'est un facteur de crédibilité important. Il faut être courageux lorsqu'on rentre dans la démarche blogue. L'objectif est de créer une connivence, une communauté et jouer la carte de la transparence».

Le mot est lâché: transparence. C'est en effet en élargissant le plus possible le cadre de la «liberté d'expression», que les entreprises peuvent profiter de l'apport d'un blogue. Pour prendre la température lors d'un lancement de produit ou pour gérer une situation de crise comme l'a fait le groupe Edouard Leclerc lors de l'affaire des steaks hachés impropres à la consommation.

La principale plus-value d'un blogue à usage externe réside dans la possibilité de recevoir l'avis des clients de l'entreprise d'une manière beaucoup plus directe et plus réactive qu'un site classique ou qu'un centre d'appels.

En fait, l'entreprise ne doit pas avoir peur de se laisser «déborder» par un blogue. Cette posture sera toujours plus profitable que d'utiliser le blogue comme simple outil marketing ou pour jouer la présence à tout prix.