Les fans jubilent, et les patrons un peu moins. Le très populaire championnat universitaire de basket-ball est l'occasion pour une chaîne de télévision américaine d'expérimenter pendant 16 jours une nouvelle forme de diffusion gratuite via l'internet.

Les fans jubilent, et les patrons un peu moins. Le très populaire championnat universitaire de basket-ball est l'occasion pour une chaîne de télévision américaine d'expérimenter pendant 16 jours une nouvelle forme de diffusion gratuite via l'internet.

Pour la première fois, les matches sont montrés en direct gratuitement, alors que jusqu'ici les événements sportifs sur l'internet donnaient lieu à paiement, par le système de «pay per view».

Mise en place par CBS, détentrice des droits exclusifs de ce championnat, l'innovation pourrait bien révolutionner la retransmission du sport dans le monde. Elle est en tout cas vue par les médias comme une source possible de nouveaux revenus.

«Au lieu de demander aux téléspectateurs de payer, ils demandent aux annonceurs», explique John Swallen, vice-président de la société d'analyse TNS Media Intelligence. «C'est l'occasion de voir si ce nouveau modèle de revenus peut fonctionner».

L'audience du premier jour du championnat - traditionnellement surnommé «la folie de mars» - semble en tout cas encourageante: plus d'1,2 million de spectateurs, un record pour un événement en direct sur l'internet selon CBS.

La chaîne espère même pulvériser ces jours-ci le record de 5 millions de spectateurs sur la même journée, détenu depuis juin par le portail AOL Music de Time Warner, diffuseur des concerts Live 8.

La montée en puissance des nouvelles technologies appelle les médias à s'adapter, et ces derniers mois les trois grands réseaux américains ont proposé des émissions disponibles sur l'internet ou téléchargeables sur iPod contre une petite somme.

Tout le défi cette fois pour CBS est d'attirer suffisamment d'annonceurs à la télévision et sur l'internet.

«La question est: comment élargir les possibilités au-delà de la diffusion classique sans cannibaliser le public de la télé ?», poursuit M. Swallen.

La réponse de CBS: interdire l'accès sur internet à tout match diffusé au même moment par la chaîne locale de CBS, tout en autorisant l'accès aux autres matches se déroulant au même moment ailleurs dans le pays.

Les publicités sur l'internet diffèrent aussi de la télé, visant davantage certains spectateurs, notamment ceux installés au bureau.

Cette question est d'ailleurs une source de préoccupation pour les employeurs, des enquêtes ayant déjà montré les années passées une nette chute de productivité lors de la «folie de mars», y compris avant l'avénement de l'internet.

Selon une estimation de l'agence de reconversion Challenger, Gray and Christmas, les pertes de revenus liées aux employés occupés à regarder les matches en ligne pendant ces 16 jours, pourraient atteindre jusqu'à 3,8 milliards de dollars.

Certaines entreprises, comme Corporate Executive Board, basée à Washington, ont ainsi décidé de suspendre l'accès de leurs salariés aux émissions en ligne. «Il s'agit de penser aux affaires», a expliqué un responsable, Derek van Bever, au Washington Post. «Existe-t-il une bonne raison de courir ce risque ? La réponse est non.«

La porte-parole de CBS Sports, Leslie Anne Wade, souligne qu'il ne s'agit pas pour la chaîne d'encourager les gens à délaisser leur travail, même si elle admet que certains le feront sûrement. «Evidemment nous sommes ravis que ce programme ait une telle popularité que les employeurs sentent le besoin de créer des règles pour empêcher les gens de regarder», dit-elle.

Le site de CBS s'est du coup doté d'un «clic pour le patron», qui permet aux utilisateurs, à l'approche de leur supérieur, de ramener sur l'écran une pleine page emplie de données financières. «C'est juste pour plaisanter», précise Mme Wade.