La licence globale, une disposition de la loi française qui devait compenser financièrement les artistes de l'audiovisuel pour le téléchargement non autorisé de leurs oeuvres sur Internet, est mort-née. L'Assemblée nationale de France l'a rejetée la semaine dernière... après l'avoir adoptée en décembre. Mais ce concept légal n'a pas fini d'alimenter la polémique.

La licence globale, une disposition de la loi française qui devait compenser financièrement les artistes de l'audiovisuel pour le téléchargement non autorisé de leurs oeuvres sur Internet, est mort-née. L'Assemblée nationale de France l'a rejetée la semaine dernière... après l'avoir adoptée en décembre. Mais ce concept légal n'a pas fini d'alimenter la polémique.

Introduit en France dans un projet de loi visant à actualiser les droits d'auteur et les droits voisins, le principe de la licence globale a finalement été rejeté par l'Assemblée nationale, la semaine dernière, en l'absence des députés verts, communistes, socialistes et de l'UDF. Le téléchargement gratuit de musique ou de films et le peer-to-peer est donc de nouveau confiné à l'illégalité.

Quelques semaines plus tôt, l'adoption-surprise de la licence globale avait entraîné une onde de choc. Vedettes, éditeurs et producteurs étaient montés au créneau, soutenant que la licence globale causerait un tort considérable à l'offre légale mise en oeuvre sur Internet- iTunes Music Store, Rhapsody, Napster, Yahoo!Music Unlimited, etc.

Ce dernier rebondissement a, cette fois, provoqué l'indignation dans les rangs des députés verts, PS, communistes et UDF. Et suscite toujours la controverse à l'échelle internationale, puisque l'enterrement de la licence globale s'est fait dans la confusion comme ce fut le cas de son adoption. Ce qui n'est pas sans égratigner la réputation du ministre français de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, qui défend le projet de loi sur les droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), dont l'amendement de la licence globale aurait pu faire partie.

Rappelons que la locution licence globale est apparue en France en 2005, avant la discussion. Inspirée de l'expression licence légale, qui désigne un mode de rémunération déjà existant pour les créateurs (à la suite notamment de la radiodiffusion de leurs oeuvres), une licence globale sur Internet permettrait à tous les internautes de pouvoir télécharger légalement de la musique ou autres créations audiovisuelles moyennant un forfait mensuel (facultatif), dont les sommes auraient été redistribuées aux créateurs afin de compenser les pertes causées par le téléchargement gratuit.

Est-il besoin d'ajouter que ce concept de licence globale met en lumière la perplexité du milieu culturel français? Même les sociétés d'ayants droit ne s'entendent pas sur la question.

Raisons stratégiques

La puissante SACEM, qui défend les droits des créateurs et éditeurs de musique en France, s'est déclarée contre la licence globale pour des raisons stratégiques alors que l'ADAMI et la SPEDIDAM, qui représentent les comédiens et les chanteurs interprètes, se sont prononcés clairement en sa faveur.

«Nous voulons entrer dans un système commercial viable où chaque acte de consommation est pris en compte. Nous voulons que ce nouveau mode de superdistribution des oeuvres sur Internet respecte malgré tout la connaissance des oeuvres, leur circulation et leur rémunération subséquente», soutient Bernard Miyet, président du directoire de la Sacem.

Alors pourquoi cette puissante organsisation s'inscrit en faux contre la licence globale? «Parce que, répond Bernard Miyet, nous sommes conscients que dans la filière économique il y a des solidarités, qu'il importe que chacun puisse faire son métier et qu'au bout du compte l'ensemble de la création se développe. Le choix de la SACEM de s'opposer à la licence globale a été stratégique en ce sens, lié par un esprit de responsabilité globale par rapport à l'industrie musicale et non pas en fonction des intérêts immédiats de nos membres. Même si au bout du compte, il peut y avoir des débats difficiles sur le partage du gâteau.»

Du côté de l'ADAMI et de la SPEDIDAM, sociétés de gestion collective des droits de plus de 13 000 artistes en France (l'équivalent de l'Union des artistes au Québec), la licence globale demeure l'une des solutions essentielles à la création en cette ère numérique qui ne fait que commencer.

Spectre apocalyptique

«La licence globale dit que le téléchargement est un acte de copie privée. C'est tout. Pourtant, on nous brandit le spectre apocalyptique d'une licence globale accompagné d'un cortège de faillites dans l'industrie de la musique. On a ainsi répandu une vision caricaturale, plus polémique qu'objective, alors que plus d'un milliard de fichiers audiovisuels ont été échangés par 8 millions de Français en 2005, c'est-à-dire le double de l'année précédente. Et d'autres modes d'échange s'ajoutent désormais au peer-to-peer- échanges par courriel, messagerie instantanée, etc.», soulève Bruno Ory-Lavollée, gérant de l'ADAMI.

«Plusieurs, renchérit-il, prétendent que la licence globale va tuer le développement des plates-formes payantes. Soyons clairs, nous aussi souhaitons leur développement. Notre souci, ce sont les échanges entre particuliers qui échapperont toujours aux offres légales. Derrière l'idée de licence globale, il y a aussi l'idée de revenu garanti aux artistes. Et on essaie de faire croire que notre point de vue est marginal...

Est-ce vraiment marginal que d'être soutenus par l'ensemble des consommateurs, par une partie des producteurs de musique électronique, par la quasi-totalité des artistes interprètes? Un jour ou l'autre, on reviendra sur la licence globale. Le long terme dans Internet, vous savez, c'est deux ans.»