Les éditeurs américains, condamnés depuis des années à voir leurs livres vendus à prix plancher sous forme numérique, retrouvent le sourire avec la multiplication des tablettes informatiques, qui leur permet désormais d'espérer imposer leurs conditions.

De quoi conduire le magnat Rupert Murdoch, qui via son groupe de médias News Corp contrôle notamment l'éditeur HarperCollins, à proclamer récemment que «le contenu est la pierre angulaire de tout produit électronique», car «sans nous, ces appareils (livres électroniques, ordinateurs et baladeurs) seraient mal aimés et invendus».

«C'est une période passionnante», se sont aussi réjouies deux sources des milieux de l'édition interrogées par l'AFP, et même «une période heureuse» avec l'irruption ces derniers mois, pour faire concurrence au Kindle d'Amazon, de la tablette iPad d'Apple et de 23 autres appareils électriques de lecture.

Les éditeurs se retrouvent ainsi en position de faire jouer la concurrence entre une pléiade de distributeurs numériques, dont aucun ne veut priver ses clients de leurs auteurs à succès.

De son côté, le distributeur Amazon qui, pendant plus de deux ans, a dominé presque seul le marché de la tablette de lecture avec son Kindle, a annoncé quatre jours après la présentation de l'iPad «capituler» face aux exigences de l'éditeur Macmillan, qui veut fixer lui-même ses prix, en les relevant.

D'autres grands noms de l'édition sont aussi en négociations pour reprendre le contrôle de leur politique de prix.

«Il est important de souligner que nous ne choisissons pas (de changer de modèle de prix) pour gagner plus d'argent sur les titres numériques : en fait nous gagnerons moins sur chaque vente de livre numérique», a expliqué le PDG de Hachette Publishing Group David Young, dans une lettre adressée récemment aux agents littéraires.

«Nous sommes prêts à encaisser moins de recettes sur les ventes de livres électronique en échange d'un contrôle sur la valeur de nos produits», a-t-il ajouté.

Le problème, relève l'analyste Allen Weiner, du cabinet de marketing Gartner, c'est que maintenant que les lecteurs sont habitués à payer 9,99 dollars en moyenne pour un livre numérique, il n'est pas sûr qu'ils soient prêts à payer d'un coup 20% de plus.

«Le dommage causé par Amazon risque d'être irréparable», et les éditeurs pourraient se voir forcés de baisser leurs prix, estime-t-il.

Beaucoup reposera sur la capacité d'Apple à convaincre les consommateurs d'accepter ce nouveau niveau de prix, comme le groupe de Steve Jobs a déjà pu imposer son modèle de distribution de musique avec l'ouverture de sa boutique iTunes en 2009.

Mais «Apple a déjà une excellente expérience à pousser les consommateurs à acheter des contenus numériques, c'est formidable», s'est réjoui une source des milieux de l'édition ayant requis l'anonymat.

Et puis, dans les mois qui viennent, les éditeurs espèrent voir aboutir le projet «Google Edition», qui a vocation à numériser tous les titres.

Même si ce projet a souffert d'un nouveau contretemps jeudi avec l'opposition du ministère américain de la Justice à la dernière mouture des conditions proposées par le géant de l'internet pour protéger les droits des auteurs et éditeurs, les maisons d'édition espèrent qu'il aboutira bientôt.

M. Weiner pense que Google «fera tout ce qu'il pourra pour faire aboutir» ce projet, car il est primordial pour le géant de l'internet de pénétrer ce marché au plus vite, s'il veut être en mesure de faire aboutir sa vision d'une offre totale de médias numériques avant qu'Apple et Amazon ne s'assurent définitivement la part du lion.