Empêcher et sanctionner la vente d'un iPod factice, d'une imitation de sac Vuitton ou de médicaments frauduleux: l'Union européenne peine à harmoniser sa lutte contre les contrefaçons qui prolifèrent grâce à internet, passe-frontières de premier ordre.

«La prise de conscience en Europe est là, mais elle n'est pas suffisante», a estimé Gilles Briatta, secrétaire général aux affaires européennes, lors d'un forum organisé par l'Union des fabricants (Unifab) mardi et mercredi à Paris.Il manque certaines règles comme une harmonisation des sanctions pénales contre les contrefaiseurs, un brevet communautaire et surtout un encadrement d'internet, selon M. Briatta.

«Internet est notre priorité» car le luxe est «la première industrie victime» de la contrefaçon sur la toile, souligne Elisabeth Ponsolle-des-Portes, déléguée générale du comité Colbert, un groupement de 70 maisons de luxe.

Pour surveiller spécifiquement ces trafics, la France a lancé le service «Cyberdouane»: aujourd'hui 10% des faux saisis ont été achetés sur internet, contre 1% il y a trois ans, selon Jérôme Fournel, directeur général des douanes.

«Ce qui manque le plus, c'est une vraie coopération entre les parties concernées» pour déceler les faux, estime Alexander von Schirmeister, directeur général d'eBay France.

Si le leader du commerce en ligne affirme collaborer avec 31.000 marques, l'heure est plutôt à la guerre avec certains grands groupes devant les tribunaux européens.

A ce jour, la jurisprudence n'est pas totalement établie: eBay a perdu contre LVMH en France dans une affaire de vente de sacs, parfums et vêtements contrefaits. Il l'a en revanche emporté face à L'Oréal en Belgique puis récemment en appel contre Rolex en Allemagne.

A Paris, eBay et l'Oréal attendent la décision du tribunal de grande instance, prévue le 29 avril, dans une affaire de vente de faux parfums.

Comme son concurrent français PriceMinister, considéré comme bon élève par les marques, eBay jure lutter activement contre la vente de contrefaçons nuisibles à son image, surveillant les inscriptions, retirant les copies signalées, etc.

A l'échelle mondiale, l'organisation de la lutte anti-contrefaçon apparaît laborieuse, à l'image des négociations sur un accord commercial plurilatéral contre la contrefaçon (ACTA).

Sur le plan européen, une résolution pour un «plan global» a été adoptée en septembre sous l'impulsion de la France. En a découlé un «observatoire» inauguré jeudi à Bruxelles, chargé de collecter des informations. Du côté des douanes, la préparation d'un plan européen 2009-2012 commence tout juste.

Pour autant, l'Union européenne n'est pas dépourvue d'un arsenal anti-contrefaçon. La directive de 2004 sur les procédures civiles est transposée petit à petit dans les Etats-membres, comme en France en 2007.

Mais l'harmonisation est difficile. «Même si la législation est là, soit une interprétation judiciaire soit la volonté politique peuvent différer d'un pays à l'autre», considère Mme Ponsolle-des-Portes.

Pour l'origine des faux, la Chine reste la première visée, puisqu'elle est à l'origine de plus de la moitié des contrefaçons saisies, selon Laszlo Kovacs, commissaire européen chargé de la fiscalité et de l'union douanière. Il s'est cependant affiché «assez optimiste» sur la coopération accrue de la Chine, désormais membre du G20.

D'après l'OCDE, la contrefaçon dans le monde représente 200 milliards de dollars, selon une estimation faite en 2005.