Deux siècles après la naissance du Français Louis Braille, son système d'écriture s'adapte à de nouveaux utilisateurs parmi les 42 millions d'aveugles dans le monde, notamment les personnes âgées, grâce aux nouvelles technologies.

Grand comme un livre de poche le «bloc-note braille» électronique, vendu par l'allemand Baum, permet une lecture tactile, par défilement des picots de l'alphabet braille.

L'utilisateur peut compléter par la synthèse vocale, à vitesse réglable, par exemple pour les personnes âgées dont la vue baisse mais qui ne maîtrisent pas le braille.

Ce bloc-note permet aux aveugles d'éviter le port de l'oreillette, qui peut altèrer l'ouïe, mais aussi de s'orienter dans le texte, l'annoter, ou le réécrire, souligne un vendeur.

«C'est un peu notre souris d'ordinateur, par sa maniabilité», explique Françoise Madray, ex-chercheuse en linguistique et secrétaire générale de l'Association Valentin Haüy (AVH) qui organise jusqu'au 8 janvier un colloque international sur le développement actuel du braille, au siège de l'Unesco à Paris.

La complémentarité entre braille et synthèse vocale est l'atout des logiciels «Jaws», qui permettent aux aveugles de déchiffrer des pages Internet, malgré l'obstacle des illustrations, pas transposables, et de l'éclatement du texte en de multiples entrées.

«Alors que le développement des synthèses vocales avait permis aux détracteurs du braille de prévoir sa disparition», l'audio et le tactile deviennent en réalité «de plus en plus complémentaires», observe Philippe Chazal, expert à l'Union Européenne des Aveugles.

Selon lui, Internet est pour les non-voyants «une révolution presque aussi importante que l'invention du braille», en donnant «accès à des bibliothèques virtuelles» et des documentations jusque là inaccessibles.

La bibliothèque Braille rassemble 26.000 ouvrages à Paris et s'agrandit rapidement, au rythme de 600 par an, indique Françoise Madray, qui a «écrit trois fois plus d'articles» scientifiques, après avoir eu accès au braille numérique. De nouveaux métiers s'ouvrent ainsi aux aveugles, qui deviennent comptables ou analystes-programmeurs, à condition de lire et écrire le braille.

«Ils étaient souvent standardistes. On les retrouve aujourd'hui dans les centres d'appel, à des postes où il faut combiner écoute du client et lecture de documents», indique Jean-Luc Augaudy, ancien enseignant de braille qui a fondé en 1990 la société Ceciaa (distribution de matériel technologique).

Aux Etats-Unis, la Fédération nationale des aveugles (NFB) s'est associée à Nokia pour lancer en août le téléphone N82 KNFB, équipé d'une mini-caméra permettant de lire un texte scané, sur place et vocalement grâce au téléphone, ou chez soi en braille.

Un autre produit, plus expérimental, le «Top-Braille», gros comme une souris d'ordinateur, scanne le texte pour le restituer immédiatement, vocalement ou en braille. Son inventeur, le Français Raoul Parienti, en a vendu 138 et a divisé le prix par deux, à 1680 euros, avec le soutien de capitaux-risqueurs.

La diffusion de ces technologies reste cependant freinée par des prix prohibitifs, faute d'une clientèle assez large pour rentabiliser les coûts.

L'industrie compte cependant aussi sur la clientèle des personnes qui perdent la vue avec l'âge. L'AVH attribue chaque année «gratuitement une vingtaine d'ordinateurs avec plage de lecture en braille. Sur la centaine de demandes, la majorité vient de personnes âgées», explique Mme Madray.