Le géant japonais de l'électronique Sony a provoqué un choc mardi en annonçant un vaste plan de restructuration qui prévoit 8000 suppressions d'emplois dans le monde afin de lutter contre les effets dévastateurs de la crise économique internationale.

Outre cette réduction de 5% des effectifs permanents de l'activité électronique (160 000 personnes au niveau mondial), des coupes dans le personnel temporaire sont aussi à l'étude, «du même ordre de grandeur ou plus importantes encore», a prévenu un haut dirigeant de Sony, Naofumi Hara, lors d'un point de presse.

Ces lourdes mesures sociales s'accompagnent d'un remaniement structurel qui comprend une révision des projets d'investissement, une part nouvelle de sous-traitance et des fermetures d'activités non rentables.

Même si de nombreux industriels nippons des gros secteurs exportateurs (automobile, électronique) ont dû revoir récemment leurs prétentions financières, se séparer de milliers de travailleurs saisonniers et modifier leurs plans de production à cause du yen fort et de la débâcle planétaire, Sony est le premier à employer des armes aussi radicales depuis la rapide aggravation de la crise mi-septembre et le dépôt de bilan de la banque américaine Lehman Brothers.

Le groupe espère ainsi réaliser «plus de 100 milliards de yens (1,36 G$ CA) d'économies annuelles».

Multinationale sexagénaire créée par feu Akio Morita, capitaine d'industrie rétif aux licenciements, Sony dit avoir «déjà pris diverses mesures de court terme, comme l'ajustement de la production, la réduction des dépenses de fonctionnement, la baisse des niveaux de stocks», dans le but de s'adapter à la nouvelle situation mondiale.

Las, «l'activité électronique a été particulièrement affectée par le brusque retournement de la conjoncture économique» et ces méthodes s'avèrent selon ses dirigeants insuffisantes pour faire face à une telle adversité, encore impensable il y a six mois.

Sony, qui réalise 80% de son chiffre d'affaires à l'étranger, subit d'une part l'impact du ralentissement des ventes de produits électroniques et d'autre part celui, tout aussi dommageable, de la hausse de la monnaie japonaise face au dollar ou à l'euro, un phénomène, consécutif à la crise financière, qui amoindrit sa compétitivité. A tel point que le groupe envisage des hausses de prix en Europe pour contrebalancer, a confié M. Hara.

Par rapport à son plan initial d'objectifs à moyen terme, le géant entend réduire de 30% les investissements programmés pour l'année budgétaire prochaine (avril 2009 à mars 2010) dans son activité d'appareils et composants électroniques.

Sony, dont «les efforts des années passées sont ruinés», va notamment reporter l'augmentation envisagée de la production de téléviseurs à écran à cristaux liquides (LCD) en Europe (Slovaquie), en raison d'une baisse de la demande.

La fermeture de sites à l'étranger - dont la fabrique de bandes magnétiques à Dax en France - fait également partie des mesures d'urgence annoncées mardi, de même que la mise en sous-traitance d'une partie de la production additionnelle planifiée de capteurs photos CMOS pour téléphones portables.

Via la combinaison de ces divers moyens de réallocation ou cessation de production, Sony ne devrait plus compter qu'une cinquantaine d'usines en propre dans le monde d'ici à mars 2010, contre 57 actuellement, si possible situées là où le rapport coûts/qualité est le plus avantageux.

Le groupe, dirigé par l'américain Howard Stringer secondé par l'ingénieur Ryoji Chubachi, avait déjà jeté un froid fin octobre en sabrant drastiquement ses prévisions de résultats financiers pour l'exercice en cours (avril 2008 à mars 2009), lequel succède à un millésime record.

Sony a rendu publique sa stratégie anticrise mardi à la clôture de la Bourse de Tokyo, alors que son action avait terminé en hausse de 3,9% à 1.896 yens, dans un marché en progression de 0,80%.

Cette annonce a suivi de quelques heures celle de la confirmation de l'entrée du Japon en récession à l'issue du troisième trimestre. La dégradation de la richesse nationale est même pire que le gouvernement ne le croyait trois semaines plus tôt, à cause du recul des investissements des entreprises démoralisées.