La numérisation du livre, passée de l'artisanat à l'ère industrielle, va entraîner un bouleversement des modes de lecture et du monde de l'édition, selon les professionnels réunis au Salon du livre à Paris.

La numérisation du livre, passée de l'artisanat à l'ère industrielle, va entraîner un bouleversement des modes de lecture et du monde de l'édition, selon les professionnels réunis au Salon du livre à Paris.

«C'est assez inévitable que le livre numérique emporte la bataille sur le livre papier, un peu comme le kleenex a gagné la bataille contre le mouchoir», résume, un brin provocateur, le sociologue Serge Tisseron.

Le basculement a même commencé, avec la numérisation de masse d'ouvrages initiée en France par la Bibliothèque nationale (BNF) et la mobilisation des principales maisons d'édition, résolues à rattraper leur retard sur les grands groupes anglo-saxons.

«Le numérique fait partie de nos priorités. Ca ne va pas être simple, mais on n'aura pas le choix», reconnaît Stéphanie van Duin, directrice du développement d'Hachette livre, l'un des principaux acteurs du secteur.

Les nouveaux supports de lecture, e-readers, livres électroniques, légers, maniables, permettent désormais une lecture dans des conditions acceptables d'ouvrages numérisés, même si des progrès restent à faire vers une meilleure qualité ou une plus grande rapidité d'affichage des pages.

Des secteurs entiers ont déjà fait leur mue. Premier touché, celui des encyclopédies, pour des raisons évidentes de poids et d'encombrement, dont des titres vedettes, comme Universalis où même le Quid, ont renoncé au papier au profit de version numérisées disponibles sur internet.

L'édition scientifique, médicale, juridique, propose également de plus en plus de contenus numérisés: des ouvrages pratiques, destinés à être consultés pour un usage professionnel, plutôt que lus dans leur intégralité.

«Il faut s'attendre à une forte progression du numérique dans les années qui viennent, d'autant qu'il y a une demande très forte de l'Education nationale», souligne le président du Syndicat national de l'édition, Serge Eyrolles.

La numérisation des manuels scolaires est inévitable «ne serait-ce que pour le poids des cartables», fait valoir M. Tisseron et les nouvelles générations seront familiarisées dès le départ avec les supports numériques.

Pour l'édition, c'est un énorme travail à conduire. «Le numérique, c'est cher», souligne Mme van Duin. «Ca demande de la part des éditeurs un travail d'adaptation. Les investissements, les équipements, sont chers», ajoute-t-elle.

En France, le secteur a jusqu'à présent été préservé par le prix unique du livre, qui n'existe pas sur internet. Les éditeurs réfléchissent donc avec les pouvoirs publics à «un nouveau mode économique», une rémunération sous forme d'abonnement, de ventes à la page, à l'unité, qui permette à chacun d'être payé pour son travail. Parce que «si c'est gratuit, ça tue la création littéraire», note M. Eyrolles.

Si les professionnels sont d'accord pour considérer que le e-book cohabitera longtemps avec le papier - qui résistera notamment pour une lecture de détente - le numérique induira forcément de nouveaux comportements.

Auteur de «Virtuel mon amour, Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies» (Albin Michel), M. Tisseron évoque «une nouvelle façon de penser», «une pensée copiée-collée», par fragments, avec un livre numérique où l'on n'a jamais qu'une seule page affichée sur son écran.

Tout comme le numérique modifiera les capacités d'attention ou de mémorisation des lecteurs de demain.