Pour commencer 2008, qui s'annonce fertile en matière de cyberculture, je vous suggère huit prédictions. Ce petit jeu de la boule de cristal est toujours amusant. Bien évidemment, vous aurez tôt fait de me rappeler mes prédictions erronées si tel s'avère le cas. Alors ? Régalez-vous à votre tour et bonne année !

Pour commencer 2008, qui s'annonce fertile en matière de cyberculture, je vous suggère huit prédictions. Ce petit jeu de la boule de cristal est toujours amusant. Bien évidemment, vous aurez tôt fait de me rappeler mes prédictions erronées si tel s'avère le cas. Alors ? Régalez-vous à votre tour et bonne année !

1. Le projet de loi fédéral sur le droit d'auteur sera bientôt déposé à la Chambre des communes par Jim Prentice, ministre de l'Industrie. Il est à parier qu'il ressemblera étrangement au Digital Millenium Copyright Act, instauré en 1998 aux États-Unis, et qu'il reflétera les préoccupations des plus puissants gestionnaires de contenus Ce projet de loi ne sera donc pas en phase avec la réalité des internautes et, en conséquence, sera fortement critiqué par les ayants droit et par une communauté de consommateurs militants de l'internet (les 30 000 membres du Fair Copyright for Canada Facebook Group, par exemple). Puisqu'il ne fera pas l'unanimité, le projet de loi risque fort de poireauter. Les élections fédérales seront un excellent prétexte pour le reporter!

2. D'ici quelques mois, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) étudiera la faisabilité d'une réglementation sur l'internet. Il est à peu près certain que les mesures envisagées à la suite de cet examen seront plutôt timorées, vu la faible propension du CRTC à intervenir sur le territoire des nouveaux médias. À plus long terme, le CRTC devra se soumettre aux pressions du milieu de la culture afin de mettre en place des mesures incitatives, entre autres, pour le financement de la production multiplateforme. D'où proviendrait ce financement? D'une portion des bénéfices réalisés par les fournisseurs d'accès et de service internet.

3. Le fossé entre les créateurs indépendants et les stars soutenues par les multinationales se creusera davantage. À une extrémité du spectre, les artistes représentés notamment par la Coalition canadienne des créateurs de musique (qui compte parmi ses membres les Barenaked Ladies, Avril Lavigne, Feist et Sarah McLachlan) penchent vers un système de redevances qui remplacerait progressivement les revenus tirés des ventes de CD. À l'autre extrémité, l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement (CRIA) mise encore sur la vente en ligne, selon le modèle iTunes préconisant l'achat à l'unité des chansons et des albums, et réprouve toute forme de licence publique permettant le trafic P2P des contenus protégés par le droit d'auteur.

4. L'extinction des DRM se poursuivra dans l'industrie de la musique, mais l'industrie de l'audiovisuel (télé, cinéma, etc.) continuera d'y croire en 2008. Après EMI et Universal Music, qui ont déverrouillé leurs répertoires sur plusieurs plateformes d'accès légal, Warner Music a fait de même à la fin de 2007. Les grands acteurs de l'industrie de la musique ouvrent ainsi la porte à un système généralisé de reproduction des contenus et devront envisager d'autres modèles d'affaires. En ce sens, les sonneries téléphoniques (bientôt téléchargées gratuitement) et la musique en ligne achetées à la pièce ne progresseront pas substantiellement en 2008. Les répertoires seront rentabilisés autrement, surtout par le biais d'ententes de licences privées - avec des fournisseurs d'accès internet et de téléphonie, par exemple.

5. L'avènement de l'ordinateur portable destiné aux pays en voie de développement (le XO à 180$, le Pixel Qi à 75$ préconisé par l'Américaine Mary Lou Jepsen, etc.) ainsi que la vente d'un autre milliard de téléphones cellulaires partout dans le monde auront un effet considérable sur la façon dont les multinationales de la culture et du divertissement, les télédiffuseurs, les grands groupes de presse et d'édition envisageront de rentabiliser leurs contenus. Car cette masse de nouveaux consommateurs ne passera JAMAIS à l'achat direct des contenus en circulation sur le Net, d'où l'urgence de rajuster le tir.

6. Le concept de neutralité des réseaux internet (Net neutrality) sera au centre des discussions cyberculturelles. Jusqu'où la protection des ayants droit restreindra-t-elle la liberté des internautes, dont le partage demeure l'acte fondamental sur la Toile? Chose certaine, on verra en 2008 d'autres initiatives des fournisseurs d'accès internet pour freiner le transport P2P et même le téléversement (upload) de contenus achetés légalement. La Recording Industry Association of America (RIAA) ne vient-elle pas d'engager une poursuite judiciaire contre un consommateur américain (Jeffrey Howell) qui partageait en ligne sa collection de CD dûment achetés en magasin?

7. Les réseaux sociaux sur le Net dépasseront largement leur mandat initial. Tous les FaceBook et LinkedIn du Web 2.0 occupent déjà des fonctions qui vont bien au-delà du simple partage d'affinités. Des groupes de discussion et même de contestation s'y forment désormais et ne cesseront de s'y former. Ainsi, ces plateformes communautaires gagneront du terrain dans la sphère publique en 2008.

8. Les univers virtuels 3D poursuivront leur progression. Second Life est la pointe de l'iceberg, mais d'autres plateformes virtuelles émergeront cette année, permettant à des centaines de milliers d'êtres humains de mener une existence parallèle. Second Life devra ainsi faire face à la concurrence - Taatu.com en Europe, Outback Online en Australie, entre autres. Ces fameux métavers (on les nomme ainsi) poursuivront donc leur expansion sur la Toile, on y mènera d'autres aventures cyberculturelles et on y fera même des expériences scientifiques.