La cassette refuse de mourir, exhumée par la jeune génération numérique, plus familière de l'iPod que du Walkman. MonsterK7, petit label indépendant, dit vouloir «réhabiliter la cassette audio, sacrifiée sur l'autel de la modernité au profit du bientôt défunt CD».

La cassette refuse de mourir, exhumée par la jeune génération numérique, plus familière de l'iPod que du Walkman. MonsterK7, petit label indépendant, dit vouloir «réhabiliter la cassette audio, sacrifiée sur l'autel de la modernité au profit du bientôt défunt CD».

«L'industrie de la musique a jeté la cassette (K7) sans un adieu, sans un regret. C'est un sort injuste», s'offusque le collectif Mort aux jeunes, qui organise les soirées K7 et Cas sociaux, plus nerds que les iPod battles. Les D.J. n'y passent que des cassettes (collectors des années 80 et 90) et les groupes live diffusent leur musique sur bande magnétique. «Réhabiliter la K7 est une entreprise dérisoire, mais nous savons que le cool est de notre côté.»

Introduite dans les bacs en 1963 et éclipsée par les CD dès 1982, la cassette, que Philips - son inventeur et fossoyeur - a cessé de produire en 2000, annonçait toutes les révolutions à venir : la copie, la mobilité, le mix, la playlist, la musique jetable. Portable, bon marché et robuste, le petit boîtier de plastique a connu un succès immédiat, notamment parce qu'il permettait d'enregistrer ses propres compilations.

Protestation

En 2003, le Musée de la communication de Hambourg lui consacre une exposition, Cassette Stories. En France, le musicien Teas et la sérigraphiste Superheights lancent Home Taping, des mix tapes pour autoradios (longtemps dernier refuge d'une espèce en voie de disparition : le lecteur cassette), adaptés au modèle de voiture dont l'une s'intitulait Easy Electronics for Driving in a GTI Car. «Nous avons eu nos premiers émois musicaux avec les K7 audio», expliquent les musiciens Anne Le Gal et Gary Lafond, 25 ans, fondateurs de MonsterK7. Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas de télécharger des MP3 à la pelle et de collectionner CD et vinyles.

«Ce label est une protestation contre la dématérialisation de la musique. Nous accordons une grande importance à l'objet, aux pochettes travaillées, aux emballages originaux et préférons mille fois sortir un CD de sa pochette pour le mettre dans notre chaîne que de cliquer sur un MP3.»

Cette démarche, à la fois musicale et plastique, caractérise aussi les productions du label Mort aux jeunes, qui a sorti en juin une K7 deux titres, Chanson d'amour, de Catherine Ferroyer-Blanchard. Parodie des productions formatées de l'époque, commentaire ironique sur les come-back dont ils détournent les codes, ils ont poussé le vice jusqu'à organiser une tournée dans laquelle leur vedette de variété chante exclusivement en play-back.

Fétichistes

Si les cassettes de Mort aux jeunes ont été produites selon un procédé industriel, celles de MonsterK7 sont recyclées. «Le support nous plaît parce que nous pouvons tout faire nous-mêmes», expliquent-ils. Ils y passent un temps fou, récupérant des cassettes sur lesquelles ils réenregistrent leurs propres productions après les avoir nettoyées et ornées de nouvelles étiquettes. Après une première compilation dédiée au toy piano, série limitée épuisée et désormais téléchargeable, ils s'apprêtent à lancer Face A Face B leur compilation de coups de coeur (à télécharger gratuitement à Noël).

Durant le Do It Yourself Boogie, forum des fanzines et autres productions faites maison, qui se tenait en fin de semaine dernière au Point éphémère, ils ont animé un «atelier grattage» et invité le public à venir avec ses vieilles cassettes. Car le support est désormais rare et se négocie chèrement sur la Toile. Monster K7 recense également sur son site toute une nébuleuse d'initiatives similaires, qui émergent un peu partout.

Les fétichistes de la cassette réactivent aussi sa dimension politique, évoquée par le musicien et écrivain David Toop, cité par le Guardian. «À la fin des années 70, beaucoup de musique du mouvement DIY (Do it yourself) était diffusée exclusivement sur des cassettes. Vous n'aviez pas besoin de beaucoup d'argent. Vous n'aviez pas besoin d'un label. Vous n'aviez pas besoin du tout de l'industrie de la musique.» Industrie qui craint alors que la vente d'enregistreurs ne fasse décliner celles des disques. La British Phonographic Industry lance dans les années 80 une féroce campagne, Home Taping is Killing Music, dont le slogan et le logo (une cassette tête de mort) ont été repris par tous les flibustiers du Net, Pirate Bay, portail de téléchargement, en tête.

Don à l'étalage. «La K7 permettait de se faire ses propres compilations, soit en copiant les disques qu'on vous prêtait, soit en enregistrant la radio. Je crois qu'à l'époque il se disait à peu près les mêmes conneries qu'à l'heure actuelle à propos des MP3, d'Internet et du piratage. Enfin je crois, parce que je n'étais pas né», explique Fuzzkhan, également distribué par Monster K7.

Fuzzkhan est un adepte du don à l'étalage, qui consiste à déposer sauvagement des disques, cassettes et BD dans les rayons des supermarchés de la culture. Pour le jeune Lillois, utiliser la cassette est un acte «symbolique, une forme de résistance aux renouvellements technologiques cycliques imposés par les entreprises».