Des voitures électriques dont les batteries se changent comme des piles, et vendues sur abonnement comme des téléphones portables: c'est la vision de Shai Agassi, ancienne star du groupe informatique allemand SAP, qui prend de court nombre d'experts.

Des voitures électriques dont les batteries se changent comme des piles, et vendues sur abonnement comme des téléphones portables: c'est la vision de Shai Agassi, ancienne star du groupe informatique allemand SAP, qui prend de court nombre d'experts.

Shai Agassi, 39 ans, d'origine israélienne, n'avait pas fait parler de lui depuis qu'il avait claqué avec fracas la porte de SAP au printemps. Fatigué d'attendre que se libère le siège de patron du leader mondial des logiciels professionnels, selon la presse.

Mais ce silence, émaillé de quelques réflexions et photos de vacances aux Galapagos postées par M. Agassi sur son blog, a pris fin cette semaine, avec la présentation de sa nouvelle société «Project Better Place», basée aux États-Unis.

Et son charismatique patron a mis la barre très haut: «Si ce que je crois est vrai, alors ce sera le plus grand tournant de l'histoire du capitalisme.»

Le «tournant», c'est mettre fin au règne de la voiture à essence au profit de la voiture électrique, moins chère et plus propre, mais encore au stade embryonnaire.

L'idée de M. Agassi s'inspire du système d'abonnements aux téléphones portables: chaque conducteur payerait un forfait mensuel, couvrant l'achat du véhicule ou sa location, et sa consommation d'électricité.

Il pourrait, quand sa batterie s'épuise, la faire recharger, ou l'échanger dans une station-service spéciale contre une batterie déjà chargée. Finies les nuits de recharge de la voiture dans le garage.

Ce système permettrait de rouler sans trop se soucier de la limite d'autonomie du véhicule électrique, généralement 100 kilomètres pour les prototypes existants.

Le changement de batterie, à en croire M. Agassi, ne durerait pas plus lontemps qu'un plein d'essence.

Ce système apporte une solution immédiate, «sans devoir attendre des années d'hypothétiques progrès qui donneraient aux véhicules électriques une autonomie de plus de 600 kilomètres», fait valoir M. Agassi, qui entend gérer le réseau de «stations-batteries» et les abonnements.

Il assure être en contact avec des constructeurs intéressés, et table sur de premières expérimentations dès l'an prochain dans des zones urbaines.

Le pouvoir de persuasion et le carnet d'adresses de M. Agassi lui ont permis de réunir 200 millions de dollars. Parmi les investisseurs: l'ancien patron de la Banque Mondiale James Wolfensohn, la banque Morgan Stanley, le magnat canadien des spiritueux Edgar Bronfman Senior, ou le holding Israel Corp, qui a mis 100 millions de dollars.

Certains observateurs admettent que l'enthousiasme du jeune entrepreneur est contagieux: «Ma première réaction a été: cette idée est folle. Mais je me suis assis, j'ai écouté les explications, ça tient debout», a raconté l'expert automobile Stephen Girsky à Business Week.

D'autres sont moins convaincus.

«L'engagement de M. Agassi pour la voiture électrique est très positif, mais la batterie amovible et échangeable n'est peut-être pas la bonne option», indique à l'AFP Felix von Borck, de l'institut de recherche spécialisé Akasol.

«Dans 90% des cas, on prend sa voiture pour faire moins de neuf kilomètres: aller au travail, faire les courses, prendre les enfants à l'école. Une voiture électrique avec une autonomie de 100 kilomètres est parfaitement adaptée. Pas besoin de changer la batterie en cours de journée», détaille-t-il.

L'universitaire Ferdinand Dudenhffer, spécialiste renommé de l'industrie automobile, est plus catégorique: «Tout ça est bel et bon. Mais les batteries de voitures électriques pèsent entre 50 et 100 kilos, il faut des machines pour les changer. Ce n'est pas réaliste», a-t-il dit à la Sddeutsche Zeitung.

Sa conclusion est sans appel: «La voiture électrique est, et reste un fantasme.»