C'est une histoire d'amour un peu spéciale, à la fois d'une insondable complexité et d'une remarquable simplicité. L'objet du désir cache un mystère jamais percé depuis des millénaires. Les adorateurs du nombre Pi ont une date de prédilection pour se retrouver chaque année: le 14e jour du troisième mois, 3,14.

C'est une histoire d'amour un peu spéciale, à la fois d'une insondable complexité et d'une remarquable simplicité. L'objet du désir cache un mystère jamais percé depuis des millénaires. Les adorateurs du nombre Pi ont une date de prédilection pour se retrouver chaque année: le 14e jour du troisième mois, 3,14.

Et, cette journée-là, il est une heure précise où les disciples de la virtuelle Église de Pi communient particulièrement : c'est à 1h59, par dévotion bien sûr aux décimales suivantes de Pi (3,14159).

Aux États-Unis, les lieux habituels de rendez-vous pour les fans de ce nombre à l'aura intact depuis Archimède sont divers. Cela peut être à Cambridge, près de Boston, site du célébrissime Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui, pendant longtemps, s'est amusé à annoncer aux postulants leur admission le 14 mars. Avant d'y renoncer, pour des raisons pratiques, au grand désespoir des candidats qui trouvaient le choix du «Jour de Pi si romantique». Mais il se dit que les étudiants chercheurs du MIT continuent, tous les 14 mars, à se souhaiter une bonne fête de Pi.

Les amoureux de Pi se retrouveront également à l'Exploratorium de San Francisco, pour déguster des tartes («pie» en anglais se prononce comme «Pi»), en portant des bijoux en forme de Pi (16e lettre de l'alphabet grec) ou encore de superbes colliers où chaque perle a une couleur identifiée à un chiffre et est disposée, bien sûr, dans l'ordre du nombre Pi. Les participants se rassembleront autour d'une sorte de lieu sacré dédié à Pi, en fait une plaque en cuivre sur laquelle sont gravés les 100 premiers chiffres de Pi.

Beaucoup de ces passionnés les connaissent par coeur, d'ailleurs, les 100 premières décimales. Pas étonnant, quand on sait que l'un de leurs passe-temps favoris consiste à se défier dans des joutes récitatives au cours desquelles les concurrents doivent débiter le plus grand nombre possible de décimales.

À ce petit jeu-là, c'est un Chinois qui détient le record, Chao Lu, un étudiant en chimie qui a récité par coeur les 67 890 premières décimales de Pi en 2005. Cette performance a duré plus de 24 heures et a nécessité plus de 26 bandes vidéo, qui ont ensuite été transmises pour validation au Livre Guinness des records.

Mais on est très loin des super-ordinateurs qui ont déjà réussi à calculer plus de 1000 milliards de décimales. Sans jamais percer le mystère de ce nombre qui fascine les mathématiciens depuis des siècles, sans jamais découvrir la formule magique de l'enchaînement de ses décimales. Une seule certitude : Pi est le rapport constant de la circonférence d'un cercle à son diamètre (Pi est l'abréviation du grec «periphereia»).

D'autres «dingues» de Pi ont trouvé des moyens moins rébarbatifs d'exprimer leur amour, tout en mémorisant la suite des décimales : la poésie. C'est le cas de cet ingénieur informatique originaire de Virginie, Mike Keith, qui a écrit une ode à Pi, un poème, ou plutôt un «pième» comme il le dit lui-même. Les quelque 4000 mots de cette lettre d'amour ont la particularité de posséder chacun un nombre de lettres qui suit très exactement l'ordonnancement des décimales de Pi : le premier mot a trois lettres, le deuxième une seule, le troisième quatre lettres, et ainsi de suite. En théorie, il «suffit» donc d'apprendre ce poème par coeur pour retrouver les 4000 premières décimales de Pi.

Mais, au fait, à quoi bon tout cela? A cette interrogation, beaucoup d'entre eux répondent par une autre question : «À quoi bon gravir l'Everest?»