Technophobes allergiques au seul nom de haute définition, conservateurs endurcis qui vous contentez des signaux hertziens quand vous voulez écouter un bulletin de nouvelles, ennemis jurés des méchants distributeurs qui veulent vous imposer leur façon de voir, vous pouvez dormir encore un moment sur vos deux oreilles... de lapin.

Technophobes allergiques au seul nom de haute définition, conservateurs endurcis qui vous contentez des signaux hertziens quand vous voulez écouter un bulletin de nouvelles, ennemis jurés des méchants distributeurs qui veulent vous imposer leur façon de voir, vous pouvez dormir encore un moment sur vos deux oreilles... de lapin.

Rien n'indique en effet - du moins pour l'instant - que le chien de garde de notre télé, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), ait l'intention de sortir le fouet pour obliger nos diffuseurs à emboîter le pas aux Américains, qui commenceront à être privés de télé analogique dans moins de deux ans. Le scénario américain devrait en principe servir d'exemple au Canada aux alentours de 2010 ou 2011, mais l'organisme fédéral ne s'est jamais montré autant hésitant et semble éviter de se prononcer le plus longtemps possible.

Cette télé que l'on connaît depuis les années 50 utilise une norme encore plus vieille (dans les années 40), la NTSC, à qui l'on doit le balayage et l'entrelacement des lignes qui ont été la cause de bien des désagréments. Norme qui limitait l'image à une définition de 525 lignes et à une résolution de 720 X 480 points (pixels). La norme numérique est dite ATSC.

Qu'on se comprenne bien : le virage numérique qui deviendra obligatoire le 17 février 2009 aux É.-U. ne veut pas dire que la diffusion par ondes hertziennes va cesser et que la télévision généraliste gratuite disparaîtra. Tout comme ça n'est pas le signal de départ de la course au téléviseur dernier cri qui viendra saigner les portefeuilles. C'est simplement que la façon de transmettre va changer et qu'en attendant le jour où tout le monde aura été rattrapé par le progrès, il va être possible de continuer à utiliser l'équipement du siècle dernier.

Répétons-le encore et encore, l'avènement du numérique ne veut pas dire que la télévision actuelle va tout de go passer au format de la haute définition (TVHD).

L'abonné au câble analogique devra sans doute migrer vers le numérique, faisant partie d'une clientèle qui sera devenue minoritaire dans deux ans. Les services de câble numérique, eux, ne seront pas affectés. Par contre la disparition de la portion analogique devrait libérer suffisamment de place sur la bande passante pour permettre l'ajout de nouvelles chaînes HD.

La transmission par ondes hertziennes va continuer. La différence, c'est que les émissions vont être en format numérique. C'est là que l'opération va faire des "victimes collatérales" : les oreilles de lapin classiques devront muter en modèle ATSC, doublé d'un syntonisateur capable de convertir le signal numérique en analogique. Les antennes extérieures VHF et UHF pourront aussi servir dans certains cas, pour alimenter un téléviseur avec récepteur ATSC.

L'opération est gérée par les services de la Federal Communications Commission (FCC), qui offrira des rabais pour l'achat de ce syntoniseur. La note risque d'être un peu salée puisqu'il faudra un syntoniseur pour chaque télé et aussi pour chaque magnétoscope ou enregistreur DVD.

Par contre - le mois prochain sans doute - , la FCC obligerait les fabricants à inclure un syntoniseur ATSC dans tous leurs téléviseurs. Plusieurs marques jouent déjà sur les deux tableaux en offrant les deux syntoniseurs, mais les appareils à tube-écran ne sont pas tous prêts pour la HD et n'ont qu'un syntoniseur NTSC. Si les fabricants décident de faire du dumping au Canada avec les invendus, ceux qui veulent encore de cette technologie obtiendront ces téléviseurs à prix d'aubaine.

Chez nous, c'est toujours l'incertitude totale. On estime cependant que l'écart habituel de quatre ou cinq ans que met le Canada à emboîter le pas devrait à ce moment se rétrécir, étant donné que la transmission analogique hertzienne, captée dans les villes frontalières, aura cessé. Il serait raisonnable de croire que c'est vers 2010 que le numérique commencera à bouter l'analogique hors des ondes canadiennes et qu'il faudra faire face au problème... si problème il y a.

Une fois le feu vert donné, la décision incombera aux câblodistributeurs. Les services de télévision par satellite ne sont pas affectés, puisqu'ils transmettent un contenu uniquement numérique. Les émissions analogiques qu'ils nous relaient sont numérisées... d'où souvent une image d'une qualité décevante.

Malgré toutes les objections, il pourrait y avoir un catalyseur d'importance : la télévision en haute définition ayant de plus en plus d'adeptes, il est fort possible que son implantation s'accélère et que l'on élimine l'analogique pour lui faire de la place. Là encore, dans les grands centres, il sera possible de capter la TVHD gratos par ondes hertziennes... si les réseaux le veulent bien, ce qui est loin d'être certain.

Il ne faut pas oublier que les réseaux privés tardent à plonger dans la TVHD à cause des sommes énormes impliquées, même si TVA prépare le terrain et que TQS commence à y songer. Pour l'instant, il n'y a que Radio-Canada et CBC qui diffusent la HD par ondes hertziennes.

Certains intervenants aux audiences du CRTC ont mentionné que cela ne serait pas une si mauvaise idée de complètement abandonner toute diffusion par les ondes pour économiser. Et certains demandaient au CRTC de leur permettre de percevoir une «taxe» de 1 $ par mois sur les chaînes généralistes, afin d'obtenir une miette des retombées des profits du câble et des antennes. Ce qui provoque les grognements des défenseurs de la télévision généraliste gratuite... et qui est loin de rendre le virage vers le numérique sympathique aux yeux des indécis inquiets.

Avec la collaboration de Stéphane Vachon