La condamnation de Microsoft à payer une amende colossale au groupe Alcatel-Lucent pour violation d'un brevet dans le format MP3, socle de la musique numérique, pourrait avoir des répercussions dans tout le secteur, mais l'issue de ce litige reste encore incertaine.

La condamnation de Microsoft à payer une amende colossale au groupe Alcatel-Lucent pour violation d'un brevet dans le format MP3, socle de la musique numérique, pourrait avoir des répercussions dans tout le secteur, mais l'issue de ce litige reste encore incertaine.

Un tribunal fédéral américain a condamné jeudi le géant du logiciel à 1,52 milliard de dollars d'amende pour avoir violé deux brevets d'Alcatel-Lucent, l'une des plus importantes amendes jamais décidées en matière de brevets.

Microsoft a aussitôt décidé de faire appel, ce qui suspendra tout paiement.

La condamnation porte sur des brevets déposés à l'origine par le groupe américain Bell Laboratories (racheté depuis par Lucent) il y a près de 20 ans pour la compression et la lecture des MP3, le format le plus utilisé dans la musique numérique car il transforme les sons analogiques en fichiers électroniques de petite taille.

Le MP3 est utilisé par Microsoft pour son lecteur musical Windows Media Player mais aussi par des centaines d'autres groupes, comme Apple et ses baladeurs iPod, les fabricants d'ordinateurs et pour la plupart des échanges de musique sur Internet.

Si cette amende était maintenue, tous ces groupes devraient eux aussi potentiellement verser des royalties à Alcatel, comme l'ont laissé entendre les avocats de Microsoft pour qui ce verdict fragilise toute l'industrie de la musique numérique.

Mais les juristes et les analystes ne croient guère à ce scénario, et soulignent que ce type de procès peut durer des années.

«C'est un verdict important», a commenté à l'AFP Daniel Harris, responsable de la division propriété intellectuelle du cabinet juridique Clifford Chance. «Mais nous sommes très loin de pouvoir dire que tout le monde dans le secteur devra sortir son carnet de chèques», ajoute-t-il.

Pour lui «tout le secteur regardera la suite de cette affaire en appel».

«Les procès pour violation de brevets traînent souvent en longueur, à travers des appels, et il ne s'agit donc pas forcément de la décision finale>» a relativisé Rick Sherlund, analyste chez Goldman Sachs.

Cette somme est importante mais c'est moins que les 4,5 milliards demandés à l'origine par Alcatel-Lucent, et cela représente six semaines de cash flow de Microsoft, a-t-il ajouté.

«Microsoft et Alcatel-Lucent ont un long passé de litiges juridiques», a aussi souligné la société de Bourse Bear Stearns dans une note à ses clients, rappelant que les deux groupes sont en procès sur une quinzaine d'autres brevets. Le même tribunal de San Diego examinera d'ailleurs dans les prochaines semaines six autres procès entre les deux groupes, concernant notamment l'encodage de la voix et de la vidéo.

L'analyste en chef du cabinet Global Securities Research, Trip Chowdhry, ne croit pas non plus à une extension des plaintes dans tout le secteur.

«L'affaire ne devrait concerner que Microsoft, qui ne cèdera pas et se battra agressivement, sans faire de compromis», a-t-il affirmé à l'AFP.

«Alcatel et Lucent, qui font de très mauvaise affaires et n'ont sorti aucune innovation depuis au moins 5 ans, essaient juste de viser un groupe qui affiche de gros bénéfices pour essayer de lui soutirer de l'argent», a-t-il estimé.

Microsoft affirme de son côté qu'il verse déjà des royalties pour le MP3, non pas à Alcatel-Lucent mais à un consortium dirigé par l'intitut de recherche allemand Fraunhofer Institute, qui a participé au développement de ce format, avec Bell Labs et le groupe français Thomson.

Alcatel s'est dit de son côté bien décidé à défendre ses brevets.

L'affaire a en tout cas profité au titre Alcatel-Lucent, qui vendredi vers 17H00 GMT progressait de 1,30% à 13,31 dollars à la Bourse de New York, alors que Microsoft perdait 1,03% à 29,09 dollars.

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