Les déchets électroniques posent un problème croissant pour l'environnement et la santé publique partout dans le monde.

Les déchets électroniques posent un problème croissant pour l'environnement et la santé publique partout dans le monde.

Alors que la communauté internationale cherche des solutions pour mieux gérer ces déchets, des environnementalistes dénoncent le manque d'efforts des fabricants pour rendre leurs produits plus écologiques.

Les représentants de 160 pays, dont le Canada, se sont réunis récemment à Nairobi pour mettre à jour la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et leur élimination.

À l'ordre du jour de cette réunion convoquée par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) : les déchets électroniques, soit les rebuts de l'informatique et des télécommunications.

Les ordinateurs, écrans, imprimantes et autres merveilles de l'ère numérique ont pour principal défaut de devenir vite obsolètes, d'où une accumulation fulgurante des déchets électroniques. Entre 20 et 50 millions de tonnes de déchets électroniques sont produits chaque année dans le monde, selon le PNUE, incluant les appareils électroniques grand public et les électroménagers.

Or, on trouve dans ces déchets des matériaux qui peuvent être dangereux s'ils sont incorrectement traités. Par exemple, les circuits imprimés contiennent différents métaux lourds ; les moniteurs contiennent de l'oxyde de plomb sous forme soluble, les piles du cadmium...

Ces matériaux ne présentent aucun danger lorsque les appareils sont en fonction, mais leur incinération peut être nocive pour l'environnement et la santé publique si elle n'est pas contrôlée de façon sécuritaire, ce qui est rarement le cas.

Jusqu'à récemment, les pays riches se contentaient d'envoyer ces déchets dans des pays comme l'Inde ou la Chine, là des travailleurs en récupéraient les métaux en les incinérant à ciel ouvert, sans aucune protection.

Depuis la signature en 1992 de la convention de Bâle, ratifiée la même année par le Canada, il est interdit d'exporter des déchets toxiques. Chaque pays signataire doit traiter ses déchets chez lui. Mais à Nairobi, on a été forcé de reconnaître l'échec de la mise en application de la convention, notamment dans le cas des déchets électroniques.

Exportations illégales

De nouveaux arrivages remplissent encore régulièrement des décharges à ciel ouvert en Inde et en Chine, même si cette dernière a interdit ces importations en 2000.

Le problème de l'Afrique, où on importe les ordinateurs usagés des pays riches pour leur donner une seconde vie, a aussi été souligné. «Environ 100 000 ordinateurs arrivent chaque mois dans le port de Lagos et entre 25 et 75 % sont à jeter parce qu'ils ne peuvent pas être réutilisés», a indiqué le directeur exécutif du PNUE, Achim Steiner, au quotidien kényan Daily Nation.

Par ailleurs, les signataires de la convention se sont entendus pour mettre en place de nouvelles mesures pour lutter contre le trafic illégal des déchets électroniques. Cependant, les États-Unis, qui ont signé la convention, mais ne l'ont pas ratifiée, exportent toujours leurs rebuts informatiques en toute légalité.

Pour leur part, les Africains ont encore en mémoire un scandale survenu l'été dernier en Côte-d'Ivoire. Un bateau en provenance des Pays-Bas a débarqué 400 tonnes de boue toxique dans 17 décharges à ciel ouvert près d'Abidjan. Résultat : 12 morts et des milliers d'hospitalisations.

Au Canada, la convention est «bien implantée», selon Joe Wittwer, directeur des activités pour la gestion des déchets à Environnement Canada. «Une bonne partie des matériaux électroniques toxiques sont maintenant récupérés de façon sécuritaire au Canada.»

Une étude réalisée en 2002 pour le Bureau national de la prévention de la pollution estimait à 106 000 tonnes les déchets électroniques produits au pays cette année-là incluant les appareils électroniques usuels comme les téléviseurs ou les magnétoscopes.

Duncan Bury, l'auteur de l'étude, rappelle que le dossier relève avant tout des compétences provinciales. «Le Bureau soutient les provinces et les aide à coordonner leurs efforts , explique-t-il. Parmi celles qui ont mis en place des solutions pour la récupération des déchets électroniques, on compte le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan. Leurs programmes sont dirigés à la fois vers les particuliers et les entreprises. Ils consistent à favoriser le retour des produits en fin de vie à leurs fabricants et la mise en place d'usines de recyclage.»

Selon M. Bury, sur le plan national, l'infrastructure dans le domaine du recyclage n'est pas encore arrivée à maturité. «Mais nous estimons que d'ici 2008, tous les Canadiens auront accès à un programme de recyclage des déchets électroniques», promet-il.

Faire payer l'industrie

Au Québec, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs prépare une réglementation qui incitera les fabricants d'appareils informatiques à effectuer eux-mêmes le recyclage de leurs produits, selon le principe du pollueur-payeur.

«Ça va ressembler à ce qui se fait dans l'Union européenne, mais seulement pour les appareils informatiques et peut-être aussi les appareils de divertissement. En Europe, la législation est plus large : elle couvre tout ce qui a une prise électrique», explique Marie Dusseault, responsable du projet.

En Europe, deux directives sur les déchets électroniques entreront en vigueur l'an prochain. La première obligera les fabricants à payer pour le traitement de leurs appareils en fin de vie. Par exemple, en offrant aux consommateurs un retour de produit gratuit. La seconde forcera les fabricants à trouver des matériaux de remplacement pour le plomb, le mercure, le cadmium, le chrome hexavalent et les ignifugeants bromés.

«On espère que ces directives forceront les fabricants à vendre des produits verts non seulement en Europe, mais partout ailleurs, puisqu'ils ont l'habitude de fabriquer le même modèle pour tous les pays», dit Zeina Alhajj, responsable de campagne au siège social mondial de Greenpeace, à Amsterdam.

Certains fabricants ont déjà mis en place des politiques environnementales. La portée de ces politiques est très inégale, selon les marques. Greenpeace a d'ailleurs publié un classement de l'industrie de l'informatique et des télécommunications basé sur le degré d'initiative.

«La note moyenne est de cinq sur 10, ce qui est loin d'être parfait», estime Mme Alhajj. «Nokia et Dell reçoivent un sept, parce qu'ils se sont formellement engagés à éliminer à l'échelle mondiale beaucoup de substances toxiques, au-delà des obligations européennes. Dell a aussi une politique de retour gratuit.

«En bas du classement, on trouve Motorola qui n'arrive pas à respecter la directive européenne et n'a aucune politique de retour. Nous avons aussi été déçus par HP-Compaq, Fujitsu-Siemens et Apple. Ce dernier cas est surprenant. D'une entreprise reconnue pour son approche avant-gardiste côté design, on s'attendrait à ce qu'elle se soucie aussi du design environnemental.»

Quand l'exemple vient de haut!

Au gouvernement du Canada et à la Ville de Montréal, des programmes environnementaux sont mis de l'avant dans le domaine de l'approvisionnement en matériel informatique.

«Ça fait partie de la stratégie d'approvisionnement écologique du gouvernement fédéral», indique Pierre Manoni, porte-parole du ministère des Travaux publics. «On s'est en partie basé sur les recommandations faites aux États-Unis par l'EPA (Environmental Protection Agency), sauf que dans notre cas, nous pouvons contrôler davantage leur application puisque nous sommes directement en charge des achats du gouvernement.»

Achats responsables

Outre les facteurs liés à la qualité, au rendement, au prix et à la disponibilité, le Ministère tient compte dorénavant des répercussions environnementales de ses achats.

Dans le cas des produits informatiques, il recommande de choisir le matériel répondant aux normes Energy Star ou Eco-Logo. Pour les moniteurs, les écrans plats sont de mise, puisqu'ils consomment jusqu'à 75 % moins d'électricité.

Autre exemple : les imprimantes. Le Ministère recommande de s'en tenir au minimum dont on a besoin; par exemple, les fonctions de triage consomment de l'énergie supplémentaire. En revanche, on exige des imprimantes capables de se mettre au repos entre les périodes d'utilisation, parce qu'elles consomment entre 60 et 65 % moins d'énergie et produisent moins de chaleur, réduisant aussi les besoins en refroidissement.

Malgré nos appels répétés la semaine dernière, il a été impossible de savoir si le gouvernement du Québec avait lui aussi mis en place de telles politiques.

Par ailleurs, la Ville de Montréal fait des efforts pour réduire l'impact environnemental du matériel informatique. Cela fait partie du Plan stratégique de développement durable de la collectivité montréalaise, adopté en 2005. Il prévoit notamment une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par les services municipaux.

«Suivant ce plan, nous nous sommes dotés d'une politique d'achat au mois d'août dernier, qui inclut un critère de développement durable», indique Natacha Beauchesne, responsable des communications à la Ville.

«On avait déjà des règles bien implantées comme l'impression recto verso, ou les écrans plats qui consomment moins d'énergie. Mais maintenant qu'on se prépare à lancer un important appel d'offres pour le matériel informatique au printemps 2007, on va s'efforcer de trouver des moyens d'y intégrer nos critères de développement durable.»