Le tour de chant raté de la famille Dion à TVA a captivé des dizaines de milliers de Québécois ces dernières semaines.

Le tour de chant raté de la famille Dion à TVA a captivé des dizaines de milliers de Québécois ces dernières semaines.

Mais c'est sur le site américain YouTube, et non à TVA, qu'ils ont pu visionner en boucle la célèbre vidéo.

Plutôt que de poursuivre YouTube, Quebecor, propriétaire de la station de télé, a fait un «cas de réflexion» de l'incident, dit le porte-parole Luc Lavoie.

«Ce vers quoi ça pointe, c'est que soudainement, la production québécoise se retrouve dans un univers américain. Le Québécois, ce qu'il va regarder, c'est YouTube. Et qui va vendre de la pub? C'est YouTube!»

Quebecor espère profiter de la manne. D'ici la mi-décembre, Canoë, filiale Internet du conglomérat, lancera un site Web à mi-chemin entre YouTube et MySpace, deux portails extrêmement populaires dont les Internautes génèrent eux-mêmes le contenu, a appris La Presse Affaires.

«Ce à quoi on travaille à l'heure actuelle, c'est à une espèce d'amalgame de ces deux réalités, cette idée de créer un environnement où chacun devient un participant», dit Luc Lavoie.

Le site sera gratuit et bilingue. Au départ, il s'apparentera plus à MySpace, une sorte de cyber-réseau social, et des fonctions vidéo seront ajoutées dans une deuxième phase, indique Bruno Leclaire, président de Canoë.

Le phénomène des sites du genre a déjà pris une ampleur mondiale et fait saliver plus d'une entreprise. YouTube, où sont visionnées gratuitement 100 millions de vidéos chaque jour, a été racheté pour 1,65 milliardsUS en octobre par Google. MySpace, de son côté, a été acquis l'an dernier par News Corp. pour 580 millionsUS. De gros dollars sont en jeu.

Au Québec, la révolution du « Web 2.0 » met du temps à s'implanter. De plus en plus, ce sont les internautes qui alimentent le cyberespace avec leurs vidéos, textes, photos et musiques, dans des sites comme MySpace. Toutefois, selon des observateurs du milieu, il commence à être tard pour qu'un site d'ici puisse se faire un place, car bon nombre de Québécois ont déjà adopté les sites américains.

Il en faudrait beaucoup pour convaincre Diane Da Rocha de quitter MySpace, où elle échange chaque jour avec ses contacts. « C'est dommage, parce que ma page est déjà toute faite et qu'il faudrait la refaire, dit la Montréalaise de 27 ans. Peut-être que j'abandonnerais MySpace pour un site québécois, mais il faudrait qu'il m'offre quelque chose de vraiment exceptionnel. »

À l'heure actuelle, peu de sites québécois rassemblent de vastes communautés d'Internautes. On trouve notamment le site Ckoitonblogue.com, qui compte quelque 1400 membres, et etoiles-du-web.com, qui rejoint entre 400 et 500 blogueurs.

Ces deux rares exemples de succès ont eu l'avantage de compter sur une communauté déjà établie avant même d'être créés, souligne Jean-François Renaud, analyste à Adviso Conseil. Par exemple, la coconceptrice de etoiles-du-web, Marie-Chantale «MC» Turgeon, était déjà très connue chez les blogueurs québécois quand elle a lancé son site. Elle en a donc attiré un grand nombre.

« Ça prend quelque chose de rassembleur, soit un thème rassembleur ou une communauté déjà forte, explique M. Renaud. Partir de rien, sans aucun facteur aidant, je trouverais ça risqué. »

Les grandes entreprises de presse québécoises ne sont pas toutes intéressées à se lancer comme Quebecor dans une expérience à la YouTube. Après réflexion, Gesca numérique, membre du même groupe que La Presse, a préféré s'abstenir.

« Nous, à Gesca, on se concentre sur ce qu'on fait de bien, soit les sites d'information comme Cyberpresse et Lapresseaffaires.com», souligne Jean-Philippe Gauthier, vice-président des opérations de Gesca numérique.

À Canoë, même si le lancement du site est imminent, le président du groupe se pose encore de nombreuses questions quant à la forme que prendra la fonction vidéo. « Le problème avec YouTube, c'est qu'il n'y a pas de modèle d'affaires », souligne Bruno Leclaire.

La question des poursuites judiciaires liées aux droits d'auteur soulève aussi des questionnements, fait valoir le dirigeant. Il cite encore l'exemple de YouTube, où une partie des vidéos mises en ligne proviennent de films, de clips ou d'émissions de télé (comme la prestation des Dion) reproduits sans autorisation.

Canoë vient tout juste d'embaucher il y a deux jours un responsable qui s'occupera d'intégrer les fonctions vidéo au futur site.